Bouillon de culture

Le curé Labelle, vers 1860

Avec la série télévisée Les Pays d’en Haut, diffusée à Radio-Canada, on peut apprécier la volonté et la ténacité du curé Labelle.

Son ardeur à développer « le Nord » en fait de lui, un personnage généreux, important et marquant de la période de la colonisation. Voici un épisode de son histoire, alors qu’il venait en aide aux Montréalais…

LE CURÉ LABELLE, L’HOMME QUI A SAUVÉ MONTRÉAL DU FROID

Le curé Antoine Labelle est connu pour le rôle qu’il a joué dans la colonisation des Laurentides, au 19e siècle. Mais peu de gens savent qu’il a sauvé la population de Montréal en 1872, lors d’une pénurie de bois de chauffage.

« En janvier 1872, il fait particulièrement froid à Montréal », relate l’historien Jean-François Nadeau. La ville vit alors une récession économique, le chômage est à son plus fort et le bois se fait rare. Les pauvres, nombreux à cette époque, n’ont rien pour se chauffer et risquent de mourir de froid.

Dans les Laurentides, où se trouve le curé Labelle, ce ne sont pas les arbres qui manquent. Le 18 janvier 1872, le célèbre prêtre prend la tête d’un cortège de 80 traîneaux chargés de bois. Lorsqu’il arrive à Montréal, il est accueilli en véritable héros.

Une gravure représentant la distribution de bois de chauffage aux personnes démunies lors de la pénurie de 1872 à Montréal Photo : Musée McCord

Selon Jean-François Nadeau, ce sauvetage de Montréal a aussi pour but de convaincre les hommes d’affaires de construire un chemin de fer pour desservir le nord, un projet cher au curé Labelle.

Le curé Antoine Labelle, vers 1870 Photo : Fonds L’Action catholique/BAnQ

LE COLOSSE COLONISATEUR

Jean-François Nadeau décrit Antoine Labelle comme un personnage au physique particulier. D’abord, c’est un homme imposant : il mesure 1,80 mètre et pèse près de 135 kg.

Ensuite, son allure défraîchie, avec ses soutanes usées, contraste avec la prestance de l’Église catholique à l’époque. « Quelques personnes vont d’ailleurs lui donner des sous pour qu’il achète une nouvelle soutane, mais il s’empresse de donner cet argent à plus pauvre que lui », raconte l’historien.

Si le curé Labelle s’intéresse aux Laurentides, c’est parce qu’il y voit des terres vierges regorgeant de richesses forestières et minières. Il fera plus de 45 voyages, à pied et en canot, pour explorer la région.

Bien que personne ne veuille y mettre les pieds, hormis quelques bûcherons, ce territoire n’est pourtant pas vierge : des Autochtones l’habitent, et ils seront repoussés par l’arrivée des colons.

« POUR LE CURÉ LABELLE, LA COLONISATION, C’EST UN ACTE DE FOI, PRESQUE DE CIVILISATION. »

Antoine Labelle espère qu’en donnant de nouvelles terres aux Canadiens français, il freinera leur émigration massive aux États-Unis. Poussés par le chômage, ceux-ci sont nombreux à quitter leur patrie pour aller travailler dans les usines américaines.

Le prêtre colossal deviendra un véritable porte-parole de la colonisation. Il sera même envoyé en France pour encourager les Français à émigrer au Canada et à s’établir dans les Laurentides. Avec sa forte personnalité et son franc-parler, il n’a aucune difficulté à charmer les Européens. « Il est absolument adoré en France », affirme Jean-François Nadeau.

Alors que les Laurentides sont considérées comme un territoire impropre à la colonisation, le curé Labelle va réussir à changer cette perspective aux yeux de la population.

Néanmoins, la colonisation demeure un exercice éprouvant pour ceux qui la vivent, précise Jean-François Nadeau : « La soutane du curé Labelle est à l’image de ce que vont connaître les colons. Toute colonisation est un ouvrage absolument difficile. »

Le village de L’Annonciation, dans les Laurentides, vers 1890 Photo : Musée McCord

UN PRÊTRE HORS NORME

« Le curé Labelle, c’est quelqu’un dont la foi est assez chancelante », souligne l’historien. Il place la colonisation bien avant ses devoirs religieux, et cela ne plaît pas au clergé local, qui s’inquiète de le voir devenir de plus en plus puissant. On tente de lui retirer son territoire, la paroisse de Saint-Jérôme fraîchement créée à sa demande, mais le curé Labelle ira jusqu’à Rome pour plaider sa cause.

Il reproche de son côté au clergé canadien de ne pas faire son travail comme il le devrait.

Source : Radio-Canada.ca

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