Bienvenue dans mon univers ! Vous êtes ici chez vous.
Technologies
Alors que le Québec cherche aujourd’hui à augmenter massivement sa production d’électricité, les batteries intégrées dans les véhicules pourraient représenter autant d’opportunités de dégager de la marge de manœuvre pour Hydro-Québec. On en discute avec Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal.
Dans son plan de mise en œuvre 2024-2029 de sa politique-cadre en matière de lutte contre les changements climatiques, le gouvernement québécois s’est donné comme objectif d’avoir 2 millions de véhicules électriques sur les routes d’ici 2030, ce qui pourrait représenter une réelle opportunité pour la société d’État, selon le professeur.
« Quand on achète une voiture électrique, on achète une capacité de stockage incroyable, ça pourrait représenter plus d’une journée de consommation pour une résidence. Ce serait complètement absurde, au niveau québécois, de ne pas en profiter », insiste Pierre-Olivier Pineau.

COMMENT ÇA MARCHE ?
Pour pouvoir utiliser la batterie de son véhicule pour chauffer son logement ou alimenter certains appareils, comme le réfrigérateur ou la laveuse, il faut à la fois posséder une borne permettant le charge bidirectionnelle, et un véhicule adapté à ce type d’échange d’électricité avec la maison.
Certains rares manufacturiers produisent des bornes de recharge bidirectionnelle, comme l’entreprise québécoise DCBEL, mais leur coût plus important, jumelé au fait que ce ne sont pas tous les véhicules qui sont compatibles, représentent les freins principaux au déploiement de cette technologie.
Pourtant, ses avantages seraient indéniables selon Pierre-Olivier Pineau, en particulier lors des pointes de consommation d’électricité, soit en matinée ou en fin de journée pendant les grands froids.
Elles représentent de véritables défis pour la société d’État, puisqu’elle doit s’assurer d’avoir des infrastructures qui permettent de fournir à la demande, même si ces pointes demeurent rares. Par exemple, durant toute l’année 2023, il y a seulement eu une centaine d’heures qui ont requis 20 % de la capacité totale d’Hydro-Québec, soit 1,1 % de l’année, comme indiqué dans l’édition 2025 de l’État de l’énergie du Québec. Maintenir ces infrastructures pour une si courte période est très coûteux.
« Mais si les gens qui ont des véhicules électriques pouvaient, à 7h le matin, prendre 10 ou 15 kilowattheures de leur voiture, ça pourrait faire en sorte que leur maison ne consomme rien du réseau. Et pour Hydro-Québec, ça a une très grande valeur, un effacement de cette ampleur-là », poursuit le professeur.
STRATÉGIE PAYANTE
Ce type de stratégie peut également être payant pour les consommateurs qui sont inscrits au tarif Flex D ou au service de maison intelligente Hilo, puisqu’ils peuvent diminuer leur consommation pendant les pointes en utilisant l’électricité fournie par leur véhicule, et ainsi faire des économies.
La recharge de leur véhicule pourrait alors se réaliser à l’extérieur de ces périodes de pointe, par exemple pendant la nuit. Enfin, il serait aussi possible d’utiliser une batterie résidentielle installée chez soi de la même façon.
HYDRO-QUÉBEC AUX AGUETS
De façon plus générale, ce type de technologie pourrait également permettre de distribuer de l’électricité dans l’ensemble du réseau d’Hydro-Québec, en échange par exemple de compensations.
Théoriquement, un million de véhicules électriques pourraient fournir environ 7000 mégawatts de puissance à la pointe, soit plus de quatre fois la puissance installée du complexe de la Romaine, soulignait Hydro-Québec par courriel.
Ce type d’échange d’électricité avec le réseau de la société d’État n’est pas encore possible, mais certains tests concluants ont déjà été réalisés. « Si on regarde dans un avenir assez rapproché, disons dans les prochaines années, on peut imaginer que c’est quelque chose qui, on espère, va pouvoir se développer », indique Louis-Olivier Batty, porte-parole chez Hydro-Québec.
Source : Gabriel Beauchemin, Journal de Montréal, cahier CASA, 22 février 2025, p5