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La Une
Voici le deuxième conte de Noël de 2023. Spécialement pour les grands au cœur d’enfant…
Pénitencier Bonsecours, 12 décembre. Le détenu Léopold me rapporte la cassette sur laquelle nous avons déjà fixé quelques-unes de ses interprétations au piano, l’année dernière. Nous y enregistrerons aujourd’hui les quatre œuvres sur lesquelles il travaille sans relâche depuis quelques mois et qu’il a l’intention de présenter aux examens de piano de Noël. Il tente, pour la première fois de sa vie, d’obtenir un diplôme de niveau Supérieur 1 dans l’une des grandes écoles de musique de la ville. Il ne reste plus que trois jours avant les évaluations.

Tout va pour le mieux lors de l’enregistrement et il s’en tire brillamment comme toujours. Bonne concentration, belles nuances, musicalité hors de l’ordinaire. Par contre, il manque un peu de vitesse et a buté, ce matin, sur sa gamme de mi bémol mineur mélodique, mais bon, l’examinatrice ne lui demandera probablement pas celle-là ! Quant à la vélocité insuffisante, l’expressivité et la profondeur compenseront. Quand Léopold joue du piano, il met son âme à nu. Non seulement sa musique chante, mais elle parle ! Et c’est cela qui m’impressionne tant, moi si habituée à entendre interpréter ces airs mécaniquement par des jeunes qui n’ont évidemment pas le même vécu derrière eux.
Une fois l’exécution terminée, il me présente une enveloppe déjà adressée.
– Puis-je te demander une faveur, Françoise ? Mettrais-tu la cassette à la poste pour moi ? Ici, en prison, on risque de prendre trop de temps pour l’envoyer. J’aimerais tellement que ma grand-mère, sur ses derniers jours aux soins palliatifs, m’entende jouer du piano avant de mourir. J’y chante aussi l’Ave Vermum. Je ne pourrais lui faire un plus beau cadeau de Noël. Son dernier Noël ici-bas…
– Mais oui, évidemment ! Veux-tu ajouter un message avant de partir ?
– Non !
Ce « non » solide et déterminé me surprend. À n’en pas douter, cette cassette porte secrètement un message de paix et une tentative de réconciliation avec une grand-mère déçue qui n’a jamais accepté de voir son petit-fils de quarante-cinq ans encore enfermé depuis des années dans une prison.
Bien sûr, une heure après mon départ du pénitencier, l’enveloppe est déjà en route pour le Bas-Saint-Laurent. Quant aux examens de piano, je me sens rassurée, Léopold vient de jouer sur la cassette avec une parfaite maîtrise. Et quelle sonorité ! De quoi obtenir les meilleures notes !
L’autre jour, j’ai bondi de ma chaise quand il m’a raconté sa dernière rencontre avec la psychologue du centre de détention.
– Elle m’a demandé si j’avais envisagé un échec éventuel lors de mes examens de piano.
– Quoi !!! Quand on veut gagner, on ne songe pas à l’échec, voyons donc ! Tu vas réussir, tu dois en être convaincu et avoir confiance. D’ailleurs, tu es prêt et tu as mis tous les efforts pour que ça marche. Faites-lui une grimace de ma part, à ta psy pessimiste.
J’ai regretté ma réponse par la suite, après mûre réflexion. La mise en garde de la psychologue a fait son bout de chemin dans mon esprit. Qui suis-je pour contredire son travail ? Moi, une simple professeure de piano bénévole qui n’y connaît rien en psychologie… Léopold mise énormément sur cet examen, je le sais, et il y va de son estime de soi. S’il fallait qu’il échoue, comment réagirait-il lui, l’être brisé, le prisonnier malheureux, lui, le trop sensible, lui, le vulnérable ? Je ne le montre pas mais, à partir de ce jour, je me sens inquiète. Pourquoi me suis-je embarquée dans cette galère ? Non, il ne doit pas rater l’examen…
Le matin fatidique, une tempête de neige paralyse toutes les routes de banlieue et les artères de la ville. Je pars une demi-heure à l’avance et arrive tout juste à huit heures au pénitencier, tel que prévu. Léopold, le visage blême, m’attend dans le vestibule vitré entre le hall d’entrée et la cour intérieure inaccessible aux visiteurs. Le gardien accompagnateur n’est pas encore arrivé, nous serons sûrement en retard. Je m’empresse d’obtenir du gardien en fonction la permission d’aller m’asseoir auprès de Léopold qui ne cesse de me faire des signes.
– Bonjour toi ! Alors on est prêt ! As-tu bien dormi ?
– Non, pas vraiment. J’ai reçu une mauvaise nouvelle, tard hier soir…
– Ah ! je suis désolée. Mais, ce matin, il faut oublier tout ça, mon ami. Cette journée s’avère importante pour toit et tu dois te concentrer là-dessus.
Léopold tient néanmoins à me préciser de quelle mauvaise nouvelle il s’agit.
– La semaine prochaine, je devais chanter l’Agnus Dei avec un type à la messe de Noël du pénitencier. Hier après-midi, nous avions une répétition avec la chorale. Marc, le gars avec qui je chante en solo, ne s’est pas présenté. On l’a fait appeler au micro mais il n’a pas répondu. Tout le monde a pensé qu’il avait oublié, ou encore qu’il ne se sentait pas bien. À l’heure du souper, toutes les activités ont été curieusement suspendues et on nous a gardé enfermés dans nos cellules toute la soirée. À onze heures, la nouvelle a fait le tour des wings : Marc a été trouvé pendu dans sa cellule au cours de l’après-midi.
– Ah ! mon Dieu ! Quelle horreur et quelle tristesse !
– Ce matin, Françoise, je vais jouer pour lui à l’examen…
Un peu plus et je me mettrais à pleurer. Comme la journée commence mal ! Nous décollons enfin en direction de la ville. Dans la voiture, le gardien et Léopold se montrent peu loquaces. J’essaye en vain de parler de tout et de rien, de m’exclamer sur les paysages féériques, de rire plus fort qu’il ne le faudrait. Une fois à destination avec plus d’une heure de retard, je me sens dans mes petits souliers.
La directrice nous accueille avec gentillesse et nous prête un studio. Comme convenu, afin que Léopold puisse s’adapter pendant quelques minutes au toucher du piano, lui qui travaille depuis des mois sur un petit clavier électronique installé dans sa cellule. Elle reviendra plus tard pour l’examen. Bravement, mon élève s’installe devant l’instrument et attaque son étude d’un mouvement ultra rapide et martelé. Il bute sur les premières mesures, se fourvoie une fois, deux fois, cinq fois, dix fois. Je vois bien que, trop énervé, il est devenu incapable de jouer. Piteusement, j’entrevois la dégringolade. C’est foutu, il n’y arrivera pas. Vers quelle déconfiture ai-je entraîné ce pauvre bonhomme ? Dans ma tête, je devine le regard sarcastique de la psy.
Je pousse un long soupir et, doucement, je pose une main tremblante sur l’épaule du pianiste pendant qu’il s’acharne toujours sur ses quatre doubles croches.
– Léopold, calme-toi. Il ne s’agit pas en ce moment, d’une question de vie ou de mort. Ne pense qu’à la musique. Une musique que tu adores… Oublie le reste de l’existence, imagine-toi seul dans ta cellule et joue ta sonate de Mozart comme tu aimes tant l’entendre. Écoute comme elle est belle sur ce piano. Laisse-toi aller, tu es capable, j’en suis convaincue. Et n’oublie pas : tu joues pour ton ami Marc. Et pour ta grand-mère. Pour toi surtout…
Je n’ose ajouter « et pour moi », car de présenter un détenu à l’école de musique où je suis affiliée représente un puissant défi pour moi. Enfin, les notes se mettent à s’enfiler les unes à la suite des autres comme un merveilleux collier de perles. Porteuses d’émotions, elle deviennent coulantes, chantantes, elles dessinent des arabesques dans le silence étouffant du studio. Je reconnais enfin mon bon élève. En quelques secondes, il réussit à m’emporter dans une autre sphère, plus loin et plus haut que ce studio, là où la musique existe à l’état pur, avec son intensité et les états d’âme qu’elle porte. Bach, Mozart, Chopin… Ils sont ici avec lui, avec nous. Je respire, Léopold va gagner la partie.
Il gagne en effet, quelques instants plus tard, quand je vois la directrice de l’école, qui joue le rôle d’examinatrice ce matin, fermer les yeux et se laisser bercer pendant un long moment sans plus considérer les partitions. C’est ça, Léopold, emporte-la, drogue-la, elle aussi, avec ta musique issue directement de ton cœur !
À la fin, je ne peux m’empêcher de battre des mains tant je suis contente… et soulagée ! L’examinatrice a également repris ses esprits :
– Monsieur, je ne peux vous allouer 100 pour cent ni 90 pour cent à cause d’un peu trop de lenteur mais pour le reste, vous avez fait un excellent travail. Je vous félicite et vous encourage à continuer. Voilà une belle réussite.
Quelqu’un a-t-il remarqué que j’ai des ailes en sortant de l’école de musique ? J’aurais le goût de sauter au cou de Léopold. Jamais je ne l’ai vu aussi souriant et détendu. Quelle belle victoire à savourer !
De retour au pénitencier, mon prisonnier me gratifie d’un baiser sur la joue en me murmurant à l’oreille :
– Tu sais, Françoise, tu n’as pas idée du grand changement que tu as apporté dans ma vie. Tu as fait toute une différence, tu m’as fait connaître la fierté. Rien ne sera jamais plus pareil.
Il ne se doute pas, le coquin, qu’il vient de me donner mon plus beau cadeau de Noël. C’est fou comme j’aurais le goût de m’agenouiller là, dans la neige, et de dire merci à la vie pour une telle joie.
La semaine prochaine, dernier cours avant le congé des Fêtes je vais apporter des duos de Noël. Lui et un autre de mes élèves, lui aussi détenu et lui aussi bon musicien, devraient parvenir à les jouer et y trouver du plaisir. On va rire. Et je vais demander aux autres de chanter. Avec le café qu’ils ne manqueront pas de préparer et les biscuits dissimulés en douce dans mon sac, ça nous fera une belle petite fête de Noël.
Note de l’auteure : Cet événement, que je n’oublierai jamais, a réellement eu lieu et tout s’est passé exactement de cette manière (voir : Mon cri pour toi)
Source : Contes de Noël pour les petits et les grands, de Micheline Duff, Éditions Québec Amérique 2012.
342e jour de l’année
Vendredi, 8 décembre 2023
On célèbre aujourd’hui…
LA FÊTE DE L’IMMACULÉE CONCEPTION (Catholique)

En souvenir de…
JOHN LENNON 1940-1980 – Auteur-compositeur-interprète, guitariste, écrivain, dessinateur, militant pacifiste et fondateur du groupe « The Beatles ».

Une année de plus sur le chemin de la vie…
Jean-Yves Marquis
Bon anniversaire !
Décompte…

NOËL : 17 NOUVEL AN : 24
Pensée et citation du jour…
Ceux qui ont le pouvoir, n’ont pas toujours la sagesse de gouverner.
Carly
Ça s’est passé un 8 décembre…
(1969) Charles Manson est inculpé du meurtre de l’actrice Sharon Tate et de quatre autres personnes le 9 août à la Villa Polanski, en même temps que cinq de ses ‘disciples’: Charles Watson, Patricia Krenwinkel, Susan Atkins, Linda Kasabian et Leslie Sankston.
(1980) Alors qu’il s’apprête à entrer dans son appartement de New York en compagnie de son épouse Yoko Ono, John Lennon est blessé mortellement à coups de revolver par un Américain de 25 ans, Mark David Chapman, à qui il a signé un autographe quelques instants auparavant. Idole des années 60, l’ex-Beatles vient d’avoir 40 ans. En 1991, un prix Grammy (équivalent aux Victoires de la musique) lui a été remis à titre d’hommage posthume pour sa carrière exceptionnelle.
(2001) La campagne « Le Train des fêtes » du Chemin de fer Canadien Pacifique s’est amorcée vendredi à Montréal. Le convoi, décoré de 8 000 lumières, effectuera un parcours de 6 000 kilomètres jusqu’en Colombie-Britannique. La population est invitée à venir voir le train et faire des dons aux banques alimentaires. Une nouveauté cette année: deux trains font aussi une tournée aux États-Unis. Il y a deux ans, « le Train des fêtes » a permis de récolter plus de 500 000 dollars et 18 tonnes de nourriture.
Merci de votre fidélité. – Passez une excellente journée !
Passez de belles fêtes Louise et toi. Merci pour ta continuité dans ton blogue toujours intéressant.
Joyeux Noel et Bonne Année
Colombe et Michel
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Merci et de joyeuses Fêtes à vous également
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