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Histoire
La journée nationale des patriotes est célébrée, à juste titre, comme le combat de nos ancêtres pour l’obtention d’institutions véritablement démocratiques. En la célébrant, nous célébrons par le fait même les précurseurs de notre démocratie représentative actuelle. Toutefois, pourquoi les patriotes voulaient-ils des institutions démocratiques ?

Pendant longtemps, les historiens ont vu dans le mouvement patriote un mouvement national canadien d’origine française luttant contre le colonisateur britannique, qui dominait politiquement au Bas-Canada (Québec).
Par exemple, selon l’historien Maurice Séguin, pour qui les nations constituaient les principaux acteurs de l’histoire, 1837-1838 représentait un « double soulèvement », qui était lui-même le résultat d’une lutte politique entre deux nations pour la prépondérance au Bas-Canada.
Ces dernières décennies, c’est surtout le discours libéral ou républicain des patriotes qui est mis de l’avant, négligeant parfois son aspect national, lorsque ce dernier n’est pas tout simplement nié.
Pour certains, le nationalisme semble perçu d’une façon négative et il serait plus vertueux que les patriotes se soient battus pour des idéaux politiques que pour défendre et promouvoir une nation d’origine et de culture française.
Pourquoi le nationalisme, qui était autrefois un phénomène émancipateur et vecteur de démocratie, est-il ainsi discrédité de nos jours ? Il y a sans doute différents facteurs, dont certains propres au Québec, subordonnés au projet multiculturel canadien.
D’autres sont sûrement attribuables à la mondialisation néolibérale, qui uniformise et considère les nationalismes comme des phénomènes de repli sur soi et d’exclusion de l’autre.
Malgré la perte de popularité du phénomène, il m’est d’avis qu’il faudrait revisiter le nationalisme des patriotes dans des recherches méticuleuses. En attendant, cherchons quelques signes démontrant que le mouvement que nous célébrons ces jours-ci était animé, entre autres, par des aspirations nationales…
LE NATIONALISME DES PATRIOTES
Le sociologue et historien Guy Hermet définit le nationalisme comme étant mû « par un sentiment national fort de la part d’un individu, d’un groupe ou d’une population ». Ce sentiment, loin d’être négatif ou xénophobe, était plutôt affirmatif et a mené à la création de nombreux États-nations au cours de l’histoire, particulièrement au 19e siècle. Est-ce que les patriotes étaient animés d’un tel sentiment national dans al décennie1830 ?
Voici quelques faits et exemples qui m’a0mènent à penser que oui :
Nous pourrions multiplier les exemples et faits qui dénotent un fort sentiment national au sein du mouvement patriote.
Certes, ce mouvement n’était pas monolithique et plusieurs motivations diverses ont pu se cristalliser et former un tout contre l’adversaire commun dans la décennie 1830. Le mouvement était en outre inclusif, et des individus d’origine britannique, comme les frères Nelson, ont épousé la cause patriote. Il semble néanmoins qu’une des motivations principales était nationale, autant chez les élites que chez les habitants.
Les combats politiques successifs entre la majorité canadienne (française) à l’Assemblée et l’oligarchie coloniale britannique ont permis progressivement la formation d’une conscience nationale chez le peuple canadien qui, inspiré par d’autres mouvements similaires ailleurs dans le monde atlantique, voulait se gouverner lui-même.
Terminons en citant l’historien Jean-Paul Bernard, qui a bien cerné dans les années 1970 le caractère national des revendications politiques des patriotes : « Dans un pays où l’oligarchie n’a pas la même nationalité que l’ensemble de la population, la revendication pour les droits de la majorité est en même temps une revendication nationale. »
Source : Martin Lavallée, historien, Journal de Montréal, cahier Weekend, 18 mai 2024, p72