Un pan de notre histoire : 24 juin 1994, la Saint-Jean-Baptiste la plus souverainiste des 30 dernières années.

Histoire

Il y a 33 ans, le 15 juin 1991, le Bloc Québécois devient officiellement un parti politique à Ottawa.

Ce parti indépendantiste, ne présentant des députés qu’au Québec, se donne pour mission de mettre en place les conditions nécessaires à la réalisation de la souveraineté du Québec.

DÉMISSION DE LUCIEN BOUCHARD EN 1990

Le 11 mai 1990, Lucien Bouchard, ministre de l’Environnement du gouvernement Mulroney, démissionne pour siéger comme député indépendant. Lucien Bouchard est furieux et farouchement en désaccord avec les conclusions qui se dessinent dans le rapport Charest. Jean Charest préside alors un comité spécial de la Chambre des communes qui s’apprête à déposer des recommandations pour résoudre l’impasse de l’Accord du lac Meech.

« Ce rapport accrédite à peu près toutes les tentatives des ennemis de l’Accord du lac Meech pour le diluer et asséner le coup de grâce au Québec. »

LUCIEN BOUCHARD

La démission de Bouchard crée une véritable onde de choc au sein du parti progressiste-conservateur au pouvoir à Ottawa. Le gouvernement Mulroney ne perd pas qu’un ministre influent ce jour-là, mais son lieutenant québécois et probablement le meilleur tribun du gouvernement pour aborder la question de l’unité nationale.

RENAISSANCE DU MOUVEMENT SOUVERAINISTE

La décision de Bouchard entraîne le départ de cinq autres députés qui siègent à la Chambre des communes. Dans les semaines qui suivent leur démission, ces députés se coalisent pour défendre les intérêts québécois au parlement fédéral. Un an plus tard, le Bloc Québécois est fondé officiellement.

Le parti dérange dans le Rest of Canada et de nombreuses voix s’élèvent pour remettre en question la pertinence de ces séparatistes québécois au Parlement.

Un premier député indépendantiste est élu à Ottawa sous la bannière du Bloc lors de l’élection partielle du 13 août 1990. Gilles Duceppe devient alors député de la circonscription de Laurier-Sainte-Marie à Montréal.

Le premier grand dossier qui permet au Bloc de trouver ses marques s’articule autour du débat à propos de l’Accord de Charlottetown (1992). Pour sortir de la crise liée à l’échec de l’Accord du lac Meech, Brian Mulroney propose aux Canadiens, par référendum, de redessiner la constitution canadienne.

Les Canadiens diront non à 54,8 % à cette proposition constitutionnelle. On sent que de plus en plus de Québécois perdent confiance en la capacité de l’État fédéral de trouver une solution juste pour réintégrer honorablement le Québec dans la Constitution.

L’année suivante, le Bloc Québécois remporte 54 des 75 sièges de députés québécois à la Chambre des communes lors de l’élection d’octobre 1993. Le résultat est fulgurant et ébranle les colonnes du temple de la fédération.

Le Bloc forme désormais l’opposition officielle à Ottawa. Évidemment, après l’élection du Parti Québécois au Québec en 1994 et le lancement de la campagne référendaire pour la souveraineté du Québec par le premier ministre Jacques Parizeau explique qu’à la suite d’une victoire du OUI lors de son référendum sur la souveraineté, le Québec offrira un partenariat économique avec le reste du canada.

À ce moment-là, Bouchard et le Bloc seront assis aux premières loges pour faire avancer les discussions.

UN VENT SOUVERAINISTE FAIT FRISSONNER LES FÉDÉRALISTES

L’insulte nationale de la nuit des longs couteaux en 1981, le rapatriement de la Constitution sans l’accord des Québécois de 1982, le rejet de l’Accord du lac Meech, la naissance du Bloc Québécois à Ottawa… on peut dire que la marmite bout depuis un bon bout de temps. D’ailleurs, de plus en plus de Québécois réfléchissent à la possibilité de redessiner la place du Québec dans la fédération.

La fête nationale de 1994 devient alors le théâtre de cet élan souverainiste. Ce jour-là, des centaines de milliers de personnes participent entre autres au défilé de la fête nationale à Montréal sous le thème « Quand sept millions de gens… ». Les points de suspension dans le thème des festivités sont porteurs d’espoir et de rêve pour ceux qui veulent un pays pour les Québécois.

L’émotion nationaliste est à son comble dans les rues de la métropole. Une mer de drapeaux fleurdelisés flotte sur la ville. Cette Saint-Jean est le plus important rassemblement de l’histoire de la ville et les gens présents scandent haut et fort de façon rythmiques : « Le Québec aux Québécois ».

En soirée, devant une foule de plus de 80 000 personnes, le comédien et l’un des organisateurs de la fête Jean Duceppe dira : « J’ai presque envie de ne pas faire de discours. Je crois que ce discours, vous l’avez tous dans le fond du cœur depuis quelques jours : le Québec est notre seul pays. »

Source : Martin Landry, historien, Journal de Montréal, cahier Weekend, 22 juin 2024, p72


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