Un pan de notre histoire : Le français, langue officielle depuis 50 ans

Histoire

Il y a 50 ans, le 31 juillet 1974, le gouvernement Bourassa faisait sanctionner un tout nouveau projet de loi pour faire du français le langue officielle du Québec.

Cette nouvelle législation était une réponse à la frustration quasi générale engendrée en 1969 par l’adoption d’une drôle de loi linguistique, la loi 63.

CONTEXTE

La loi 63 avait été adoptée cinq ans auparavant par le gouvernement de l’Union nationale dans le contexte de la crise de Saint-Léonard. En fait, cette loi linguistique avait complètement manqué sa cible et n’avait qu’accentuer le conflit linguistique.

On sait que depuis toujours, Montréal est la ville québécoise qui accueille le plus d’immigrants. Cette diversité culturelle qui se bonifie après la Seconde Guerre mondiale redessine pratiquement tous les secteurs de l’île de Montréal.

Parc Extension devient le nouveau milieu de vie de la communauté grecque et la ville de Saint-Léonard s’urbanise pour accueillir les immigrants italiens. Ces communautés culturelles choisissent majoritairement d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise.

À la fin des années 60, ce choix provoque une crise linguistique quand la commission scolaire de Saint-Léonard force la scolarisation en français de ces petits Italiens par manque de place dans les classes anglophones. Instantanément le débat devient émotif.

Deux clans s’affrontent alors : le camp de ceux qui aimeraient qu’on impose à ces enfants un enseignement dans la langue de Molière et celui de ceux qui souhaitent pouvoir s’intégrer au Québec dans celle de Skakespeare. Le débat est si intense à Saint-Léonard qu’une manifestation de parents se transforme en émeute.

Pour tenter de calmer le jeu, le gouvernement de l’Union nationale dirigé par Jean-Jacques Bertrand vote une loi pour encadrer la question, mais aussi avec l’intention de faire la promotion du français au Québec.

Par le projet de loi 63, le gouvernement Bertrand impose aux écoles anglophones des petits cours de base en français, mais cette loi n’impose pas aux enfants issis de l’immigration la fréquentation scolaire dans le réseau francophone.

La loi est mal accueillie et provoque la colère des nationalistes québécois.

COMMISSION D’ENQUÊTE

Dans la foulée du débat, en 1968, Jean-Jacques Bertrand lance une commission d’enquête sur la situation linguistique, la Commission Gendron. Dans son rapport en 1972, elle propose au gouvernement, maintenant dirigé par les libéraux de Robert Bourassa, de faire du français la seule langue officielle du Québec.

Les recommandations du rapport, la croissance de mouvement migratoire à Montréal et la poursuite du débat dans les écoles amènent Bourassa à faire voter le projet de loi 22 en 1974.

Par cette nouvelle législation, le français devient l’unique langue officielle pour la province, exit l’anglais. De plus, elle limite l’accès aux écoles anglophones aux enfants ayant uen connaissance suffisante de l’anglais.

La loi fera consensus… Tout le monde est fâché !

Les anglophones et les immigrants la trouve trop restrictive, tandis que les nationalistes la jugent trop molle, ils auraient souhaité que le gouvernement libéral impose l’école française aux nouveaux arrivants.

La loi 22, qui s’est inspirée des recommandations du rapport de la commission d’enquête, impose entre autres :

  • Que l’administration publique utilise le français pour communiquer au Québec, mais aussi avec les autres gouvernements du Canada;
  • Que chaque citoyen puisse s’adresser à l’administration publique et recevoir des services en français, mais aussi en anglais;
  • Que les fonctionnaires maîtrisent adéquatement le français;
  • Que le français devienne officiellement la langue des relations au travail;
  • Que les produits vendus soient étiquetés en français;
  • Que L’enseignement se donne en langue française dans les écoles française et en anglais dans les écoles anglaises. Cependant, pour la Commission scolaire du Nouveau-Québec, les cours pourront se donner dans la langue des nations autochtones de chaque territoire.

Finalement, une Régie de la langue française est instituée.

On peut dire que ce projet de loi 22 voté par le gouvernement Bourassa en 1974 a été la première pierre qui servira plus tard à ériger une véritable charte de la langue française,

Elle a été particulièrement difficile à accepter par la communauté anglophone, principalement parce qu’elle leur conférait pour la première fois un statut minoritaire dans la province de Québec.

En 1974, on peut dire qu’une partie de l’électorat traditionnel des libéraux, la communauté italienne et les anglophones vont tourner le dos au parti de Robert Bourassa, ce qui va faciliter l’élection du Parti québécois deux ans plus tard. La loi 22 a finalement été abrogée par l’Assemblée nationale en 1977 avec l’adoption de la Charte de la langue française.

Source : Martin Landry, historien, Journal de Montréal, cahier Weekend, 3 août 2024, p72


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