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Conte de Noël
Voici le dernier conte de Noël de 2024. Spécialement pour les grands au cœur d’enfant…

– Grand-maman ? Je t’appelle pour te dire que tu vas aimer le cadeau que je te prépare. Un cadeau très spécial, tu vas voir ! Mais… je ne t’en dis pas plus !
Andréanne m’a téléphoné au moins deux fois durant la semaine précédant Noël pour me parler de cette fameuse surprise qui commençait sérieusement à m’intriguer. Je me demandais bien ce qu’une enfant de neuf ans pouvait fabriquer d’excitant à ce point. Des carrés de sucre à la crème ? Des biscuits en pain d’épices ? Une chandelle joliment décorée ? Un collier de perles en plastique ou quelque autre bricolage de même acabit ? Et pourquoi pas un tricot, une broderie, une tasse de porcelaine peinte, ou même l’enregistrement d’un menuet de Jean-Sébastien Bach, joué par elle-même au piano ?
Ma petite fille et moi vivons une relation privilégiée, Non seulement nous partageons le même amour de la musique, mais entre nous se sont développées une tendresse particulière et une complicité que jamais rien ni personne ne réussira à amoindrir, j’en ai la certitude. « Quand tu seras très très vieille, grand-maman, me dit-elle parfois, je t’emmenai magasiner avec moi en chaise roulante. » Et moi de lui répondre : « Quand tu seras plus vieille, Andréanne, tu viendras pleurer tes peines d’amour sans mes bras. »
Pour l’instant, je joue à plein mon rôle de grand-mère et j’accompagne de temps à autre la fillette, avec ses frères et sa sœur, ses cousins et ses cousines, à la patinoire ou au terrain de soccer, en pique-nique à la plage et même en camping familial. Je regarde grandir mes petits enfants avec plaisir, rêvant pour eux tous un avenir doré, de réussites scolaires, de professions intéressantes, de belles amours, d’une vie passionnante et surtout d’une petite famille heureuse et… nombreuse !
Écrivaine depuis une douzaine d’années, j’ai prêté leurs noms à travers mes romans à quelques-uns de mes personnages préférés, voyant comme un héritage le fait qu’une fois en âge de l’apprécier, chacun retrouvera avec plaisir son nom dans les livres de sa grand-mère chérie. L’adage ne dit-il pas que « les écrits restent » ?
En ce fameux matin de Noël, j’ai pourtant tout oublié de la promesse de cadeau d’Andréanne, trop préoccupée par les préparatifs de la réception et de l’animation pour les trente-deux personnes invitées à bruncher chez moi. Comme à l’accoutumée, le père Noël est venu distribuer la tonne de cadeaux déjà déposés sous le sapin. Chacun y est allé d’une courte séance de photos sur les genoux du vieux bonhomme et d’un baiser furtif sur le bord de sa barbe blanche, pour ensuite s’en retourner, le visage en feu, déballer plus loin la pile d’étrennes qu’il venait de recevoir.
Quand est venu mon tour, un silence bizarre a subitement envahi la maisonnée. Tous se sont approchés, mine de rien, plus curieux de ma réaction que du contenu du cadeau remis par le père Noël et dont on les avait mis au courant. Andréanne, triturant une mèche de ses cheveux blonds, assistait à la scène avec des lumières dans les yeux.
Le paquet, emballé de papier coloré, avait la forme d’une enveloppe de grandeur moyenne sur laquelle il était inscrit : UNE FAMEUSE NUIT DE NOËL. Un joli dessin de couleur tracé à la main montrait un père Noël accompagnés d’enfants dans une espèce de coquille. Wow ! Andréanne avait elle-même écrit et illustré un conte de Noël pour moi ! Quel merveilleux cadeau ! Le plus beau cadeau de ma vie !
– Tu as fait ça tout seule, ma grande ?
– Oui, c’est pour toi, grand-maman !
– Quel cadeau magnifique, mon amour !
Ainsi, Andréanne portait déjà en elle la fibre de l’écriture… J’ai pressé sur mon cœur le livret en même temps que ma petite-fille, et j’ai éclaté en sanglots, incapable de trouver les mots pour exprimer la grande émotion qui m’ébranlait. Tout était là : l’intrigue teintée d’ingénuité, le déroulement mené de main de maître, les personnages bien campés, les phrases habilement tournées dans un français pratiquement sans fautes, le dénouement heureux, sans parler des illustrations fort habiles.
En cet instant précis, je tenais là, entre mes mains, une promesse de relève, de continuité et de prolongation de moi-même dans cet élan créateur de l’écriture. Cette passion a transformé ma vie et m’a rendue heureuse au point de considérer la publication de chacun de mes livres comme la naissance d’un enfant. Chaque enfant est issu de moi-même, engendré à même ma propre substance, grandi en moi pendant de longs mois de gestation et bercé au rythme de mon imagination, de mes rêves et de ma vision du monde. Chacun est mis au monde avec autant d’amour et d’efforts qu’un véritable enfantement. Je crée des enfants littéraires pour assurer ma descendance, mon immortalité…
Avec quel bonheur je dédicace toujours mes romans, convaincue de prendre par la main et d’amener, grâce à mes histoires, chaque lecteur à découvrir le monde, à plonger dans le passé, à rire et à pleurer au présent, à rêver pour demain. À remettre les choses en question et à réfléchir aussi… Peut-être bien à améliorer le monde, qui sait. Et ce sentiment de partager avec quelqu’un les états d’âme qui m’habitent tout au long de l’écriture me donne l’impression de renaître, toujours et encore, à la publication de chacun de mes livres. C’est mon Noël à moi.
À vrai dire, à travers mes contes de Noël, j’ai sans cesse tenter de perpétuer le véritable esprit de Noël, passablement en péril ces dernières décennies. Du fait qu’Andréanne pourrait continuer dans l’avenir à transmettre cet esprit vient de naître en moi une espérance. Une folle et merveilleuse espérance.
Qui sait si… Quand, avec le temps, ma Plume d’or remise par Beethoven sera usée, quand je n’aurai plus la force de jouer à la fée des Étoiles pour remettre des sacs de cadeaux aux itinérants, ni celle d’observer d’un œil amusé Dieu le Père dans son paradis, quand je n’aurai plus le courage de barbouiller des pages chaque année avec des étoiles, des anges, des crèches, des bonhommes de neige et des lutins, quand le père Noël, ce cher vieil ami, sera devenu pour moi un doux souvenir, qui sait si cet appel vibrant ne mènera pas Andréanne, ou un autre de mes petits-enfants, sur les sentiers de la création littéraire déjà foulés par leur grand-mère ?
Cette année, voilà qu’il est survenu un nouveau conte de Noël parmi ceux, nombreux, que j’ai rédigés au fil du temps : celui de ma petite fille. À mes yeux, il s’avère le plus important de tous car il me fait rêver…
Qu’à cela ne tienne ! J’ai réussi à convaincre mon éditeur de le publier, ce fameux conte ! Andréanne n’attendra pas comme sa grand-mère l’âge de cinquante-six ans pour être lue. À mon grand bonheur, on a inséré son conte illustré dans mon recueil devenu maintenant « notre » recueil à elle et à moi. Grand merci à Québec Amérique !
Une porte vient de s’ouvrir sur une douce espérance. Celle de voir l’émerveillement et le message d’amour, porté par Noël à l’humanité, continuer de se propager non seulement à travers mes contes mais aussi, pourquoi pas, à travers ceux de ma petite-fille. Oui, une porte vient de s’ouvrir sur un magnifique espoir… Celui dont on célèbre la naissance à Noël possède la clé de cet espoir. Secrètement, je l’implore de maintenir cette porte ouverte et de m’accorder le grand bonheur de vivre concrètement le plus beau conte de Noël du monde.
Mon rêve de grand-mère…
Note de l’auteure : Cette histoire st tout à fait vraie. Le conte d’Andréanne, Une fameuse nuit de Noël, se trouve à la fin du recueil, côté « Pour les enfants au cœur d’ange ». Elle me l’a offert le 25 décembre 2010, alors qu’elle avait 9 ans.
NDLR : C’est ce conte qui a été publié sur ce blogue, le 2 décembre 2024.
Source : Contes de Noël pour les petits et les grands, de Micheline Duff, Éditions Québec Amérique 2012.
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NDLR : Ce conte était le dernier de la série pour cette année. Merci de vos commentaires et de votre assiduité. On se donne rendez-vous en décembre 2025, pour la suite des merveilleux contes de Noël. D’ici là, gardez votre cœur d’enfant.