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Histoire
La première usine d’aluminium, à Shawinigan, en 1901, a marqué le début d’une longue relation entre ce métal et le Québec industriel.
On trouve à Arvida, au Saguenay, le premier pont routier au monde entièrement construit en aluminium. Il a été reconnu par une association internationale de métallurgie comme l’un des 156 sites historiques d’une prestigieuse liste qui compte la tour Eiffel de Paris et la statue de la Liberté de New York.
« On peut presque dire que l’aluminium est le métal national du Québec », lance Lucie K. Morisset, professeure à l’UQAM qui connaît bien le métal le plus abondant de la planète, qui compose 8 % de la croûte terrestre.
Historienne de l’architecture spécialisée dans l’étude des villes et du patrimoine urbain, Mme Morisset rappelle que le Québec a tôt fait d’attirer l’attention des promoteurs industriels qui découvraient au début du 20e siècle le potentiel inouï de ce métal trois fois plus léger que l’acier.
PAS DE PÉPITES
Le problème de l’aluminium, c’est qu’il ne vient pas sous forme de pépites comme l’or ou les d’autres métaux. Il est toujours associé avec d’autres éléments dans un minerai. Le plus commun étant la bauxite. Pour l’extraire et en faire des lingots, il faut d’abord chauffer le minerai à très haute température, puis recueillir l’aluminium par électrolyse, ce qui requiert beaucoup d’énergie. On peut y arriver avec des hydrocarbures comme dans plusieurs pays, ou avec un courant électrique comme au Québec.

La première aluminerie (un mot inventé au Québec) n’a pas été inaugurée au Saguenay, mais en Mauricie. On est en 1901 et l’hydroélectricité en est à ses premières armes. Le transport d’énergie est encore embryonnaire, c’est la raison pour laquelle on doit installer l’usine à côté de la centrale.
C’est à partir de l’expertise acquise dans cette installation qu’on développera la « vallée de l’aluminium » au Saguenay-Lac-Saint-Jean. L’usine d’Arvida célèbre le centenaire de sa construction l’an prochain.
Alcan – aujourd’hui Rio Tinto – a eu carte blanche pour harnacher le bassin versant du lac en fonction de ses besoins. Ce réseau est le seul à échapper à ce jour au monopole d’Hydro-Québec dans les grands réservoirs.
QUELQUES CRISES
Assurant de nos jours 30 000 emplois au Québec, l’aluminium n’a pas toujours fait l’unanimité. Le développement de « lingots d’électricité », comme l’illustre le vétérinaire Daniel Martineau, a produit une immense quantité de polluants qui ont mené le béluga du Saint-Laurent au bord de l’extinction. Ce mammifère a développé des cancers qu’on a observés chez les humains de la vallée les plus exposés.
Durant les années 1940 et 1950, les travailleurs d’Alcan ont déclenchés plusieurs grèves importantes pour obtenir de meilleures conditions de travail.
Dans les années 1970 et 1980, des groupes environnementalistes ont voulu stopper l’expansion des alumineries en raison de la pollution de l’air et de l’eau.
Au cours des 25 dernières années, des citoyens se sont opposés aux projets d’expansion d’alumineries.
Il faut entre quatre et cinq tonnes de bauxite pour obtenir environ deux tonne d’alumine qui, à leur tour, donneront une tonne d’aluminium.
ARVIDA ÉTAIT PROTÉGÉE PAR 3000 SOLDATS ET DES CANONS
La Seconde Guerre mondiale fut la première guerre où le contrôle de l’air assurait le contrôle du champ de bataille. Pour répondre à la croissance exponentielle de la production aéronautique, l’aluminium devint un métal stratégique déterminant. Sa consommation mondiale augmenta de façon fulgurante.
L’invasion de la Norvège par les nazis s’expliquait en partie par sa production d’aluminium et de nickel. La majeure partie de la production d’aluminium de la France occupée fut détournée vers l’effort de guerre nazi. L’aluminium fut utilisé pour la construction des quelques 300 000 avions, produits par les États-Unis durant le conflit.
LE CANADA DEVIENT « L’ARSENAL DE L’EMPIRE »
La Grande-Bretagne dépendait alors des importations d’aluminium canadien pour répondre à ses besoins. L’aluminium était essentiel à la construction des chasseurs Spitfire et des Hurricane, qui s’opposèrent avec succès à la Luftwaffe pendant la bataille d’Angleterre.
Les industries minières et métallurgiques canadiennes ont apporté une contribution importante à la victoire alliée. L’industrie canadienne de l’aluminium, centrée au Québec, augmenta considérablement sa capacité de production.
L’usine d’Arvida au Lac-Saint-Jean se hissa au sommet de la production d’aluminium de la Seconde Guerre mondiale et fournit aussi 90 % de l’aluminium du Commonwealth. Les installations du Saguenay permettaient au Canada de fournir 40 % de la production totale d’aluminium des Alliés.
En 1942, l’usine d’Arvida était la plus importante au monde et elle maintint ce rang dans la production d’aluminium mondiale pendant plus de 30 ans.
ARVIDA, VILLE « FORTERESSE »
À cause de son rôle déterminant dans l’effort de guerre allié, son complexe de production d’aluminium devint le site ayant la plus haute défense militaire au pays. Une « ville secrète » protégée par un contingent de 3000 soldats et une batterie d’une trentaine de canons antiaériens.

Le gouvernement canadien a aussi fait construire la base aérienne de Bagotville pour défendre le complexe aluminier et les centrales hydroélectriques de la région contre les attaques de potentiels bombardiers allemands à très long rayon d’action.
Un escadron de chasseurs Hurricane en « duraluminium » fabriqués à Thunder Bay y était stationné en permanence pour protéger la zone. La base servait aussi à l’entraînement des pilotes du Commonwealth.
ALU EN « PAILLETTES », ARME SECRÈTE
L’aluminium fut également utilisé de manière plus surprenante comme contre-mesure électronique sous la forme de ballots de « paillettes » lancés par des bombardiers. La Royal Air Force utilisa pour la première fois ce nouveau dispositif secret lors de son bombardement de Hambourg en 1943.
Des paquets de plus de deux mille bandes de feuilles d’aluminium ont brouillé les radars défensifs allemands, aveuglant ainsi le système d’alerte de la ville : Hambourg fut réduite en cendres et seule 12 bombardiers britanniques sur les quelques centaines engagés furent perdus.
Les raids successifs infligèrent de graves dommages à la production allemande d’armement, mais aussi d’épouvantables pertes civiles, tuant environ 37 000 personnes et détruisant 60 % des maisons de la ville.
Source : Mathieu-Robert Sauvé et Normand Lester, Journal de Montréal, cahier weekend, 15 février 2025, p68 et 69