Trump et Hitler : Ce que l’histoire nous raconte

Histoire

Quand on regarde l’Histoire, on se demande souvent : comment un parti aussi radical et démagogue que le parti nazi a-t-il pu prendre le pouvoir dans un pays aussi développé que l’Allemagne ?

Ce n’est pas arrivé en un jour. C’est une succession de crises, d’erreurs politiques et de stratégies bien menées qui ont permis à Adolf Hitler et au parti nazi d’arriver au sommet du pouvoir.

Voici, dans les grandes lignes, sans y aller d’analyses trop profondes, comment cela s’est passé.

UNE ALLEMAGNE HUMILIÉE

Tout commence en 1918, à la fin de la Première Guerre mondiale. L’Allemagne, qui espérait la victoire, se retrouve vaincue. L’Empereur (le Kaiser) Guillaume II abdique, et l’Allemagne devient une république : la République de Weimar. Ce nouveau régime démocratique est mal accueilli par une partie de la population, qui l’accuse d’avoir « poignardé l’armée dans le dos » en signant l’armistice. Mais le plus dur à avaler vient avec le traité de Versailles, signé en 1919.

L’Allemagne est tenue pour seule responsable de la guerre. Elle perd des territoires, doit se désarmer et payer d’énormes réparations aux pays vainqueurs. Le peuple allemand se sent humilié, trahi et appauvri. Ce contexte tendu va nourrir le nationalisme et la haine, des sentiments que les nazis sauront exploiter plus tard.

NAISSANCE DU PARTI NAZI

Dans cette atmosphère tendue, des mouvements radicaux apparaissent. Parmi eux, un petit parti fondé en 1920, le NSDAP, ou Parti nationaliste des travailleurs allemands, plus connu sous le nom de parti nazi. C’est un mélange explosif d’individus d’extrême droite, racistes, antisémites, qui détestent la démographie.

Adolf Hitler rejoint le parti dès 1919 et en prend rapidement le contrôle. Il faut savoir qu’il est un orateur charismatique, capable de captiver l’attention des foules en colère comme personne avant lui.

En 1923, il tente un cour d’État à Munich, le fameux putsch de la Brasserie.

C’est un échec et Hitler est arrêté. Il est condamné à cinq ans de prison, mais n’en fait qu’un. Pendant son incarcération, il écrit Mein Kampf, un livre dans lequel il expose ses idées : haine des Juifs, volonté de revanche contre le traité de Versailles, dictature d’un chef charismatique, conquête de nouveaux territoires, etc.

MONTÉE PROGRESSIVE

Après sa sortie de prison, Hitler change de stratégie. Plutôt que de prendre le pouvoir par la force, il décide d’y parvenir par les élections, en jouant le jeu démocratique… pour mieux le détruire une fois au pouvoir.

Entre 1924 et 1929, l’Allemagne connaît une période de relative stabilité grâce à l’aide économique des États-Unis et à un apaisement des tensions internationales. Le parti nazi semble marginal, mais tout bascule en 1929 avec la crise économique mondiale. La bourse de Wall Street s’effondre, et les répercussions sont terribles pour l’Allemagne. Les banques font faillite, le chômage explose, la pauvreté gagne les villes et les campagnes. Dans ce climat de désespoir, les discours radicaux d’Adolf Hitler trouvent un écho.

Les nazis promettent du travail, de la grandeur, de l’ordre. Ils désignent des responsables, les Juifs, les étrangers (immigrants), les communistes et les politiciens corrompus. Leur propagande est efficace. Aux élections législatives de 1930, le parti nazi devient la deuxième force du pays. Deux ans plus tard, en 1932, il est le premier parti au Parlement.

JOUTE POLITIQUE D’HITLER

Malgré son succès électoral, Hitler n’est pas automatiquement au pouvoir. En Allemagne, le président de la République (à l’époque, le vieux maréchal Hindenburg) a le pouvoir de choisir le chancelier, c’est-à-dire le chef du gouvernement. Pendant plusieurs mois, les gouvernements se succèdent, incapables de gérer la crise.

Les élites conservatrices commencent à voir Hitler comme un moindre mal, voire un moyen de contrôler la rue. Finalement, alors qu’il est sous pression et pense pouvoir le manipuler, le président Hindenburg nomme Hitler chancelier le 30 janvier 1933. Une très grave erreur, Hitler n’est pas un pion facilement manipulable, c’est un stratège redoutable.I

DICTATURE EN MARCHE

Dès qu’il arrive dans le siège du pouvoir, Hitler agit rapidement pour consolider son autorité. En février 1933, un incendie détruit le Reichstag, le parlement allemand. L’événement est immédiatement utilisé pour accuser les communistes et imposer des mesures d’urgence. Les libertés fondamentales sont suspendues, on limite la liberté de presse, fini la liberté d’expression, puis on ordonne à la police d’arrêter les suspects, et il y en aura beaucoup.

En mars 1933, Hitler profite de la crise pour faire adopter la loi des pleins pouvoirs, il peut désormais gouverner sans passer par le Parlement. La démocratie allemande vient de mourir. Rapidement, tous les autres partis sont interdits, les syndicats sont dissous, les opposants emprisonnés et bien souvent éliminés. Le régime nazi est en place. En 1934, à la mort d’Hindenburg, Hitler cumule les fonctions de chancelier et de président. Il devient le Führer, le guide suprême de l’Allemagne.

LEÇON D’HISTOIRE

L’arrivée au pouvoir des nazis n’a pas été un coup de force soudain. C’est le résultat d’un enchaînement de crises, de frustrations, de stratégies politiques et de manipulations.

La démocratie allemande était affaiblie, et ses ennemis ont su en profiter.

C’est aussi un rappel brutal à l’humanité, la démocratie n’est jamais acquise. Elle peut être mise à mal de l’intérieur, par des partis qui utilisent des règles pour mieux les détruire.

La montée du nazisme nous montre comment la peur, la pauvreté et les discours haineux peuvent mener un peuple à confier les clés de son avenir à des idéologues dangereux.

EXISTE-T-IL DES PARALLÈLES AVEC LA DEUXIÈME ADMINISTRATION TRUMP ?

C’est une question délicate, même si on peut établir certains parallèles sur le plan de la méthode politique, il faut être prudent pour ne pas tomber dans comparaisons simplistes, Hitler a quand même mis en place une dictature totalitaire et a lancé une guerre mondiale. Cela dit, voici un éclairage nuancé sur les ressemblances et les différences.

Premièrement, Hitler a profité d’un pays en crise, de la pauvreté et du chômage pour se créer une électorat. Trump a su capter la colère d’une partie des Américains avec le déclin économique du pays, le rejet des élites et le sentiment d’abandon des classes moyennes blanches. Dans les deux cas, il s’agit de leaders qui parlent à une population frustrée, qui se sent oubliée ou méprisée.

Ensuite, Hitler se posait en sauveur pour les Allemands, et Trump se présente comme un outsider opposé au système, dénonçant les médias et les institutions fédérales. Les deux utilisent un langage simple, direct, émotionnel et polarisant.

Finalement, Hitler a utilisé la démocratie pour s’approprier tous les pouvoirs et déchirer la Constitution. Trump a remis en question les résultats électoraux de 2020, et certains de ses proches ont envisagé des moyens de rester au pouvoir malgré sa défaite. L’assaut du Capitole du 6 janvier 2021 montre un moment où la démocratie américaine a été directement attaquée.

Là s’arrêtent les comparaisons.

L’Allemagne des années 1930 était une jeune démocratie instable. Les États-Unis ont des institutions solides, une séparation des pouvoirs, une presse libre et des contre-pouvoirs (Cour suprême, Congrès, gouverneurs…). Il est beaucoup plus difficile de basculer vers une dictature aux États-Unis aujourd’hui qu’en Allemagne à l’époque.

Le nazisme prônait une idéologie de guerre, de purification raciale, d’extermination (Holocauste). Trump, malgré des propos parfois choquants, ne porte pas une idéologie totalitaire ou exterminatrice. Il reste dans le cadre du système, même s’il tente d’en repousser les limites.

Même si Trump n’est pas Hitler, les mécanismes de dérive démocratique peuvent se ressembler. Affaiblissement des institutions, remises en cause des élections, polarisation extrême, peur de l’autre, rejet de la presse et de la vérité factuelle.

L’Histoire ne se répète pas toujours, mais elle rime souvent. Ce qui s’est passé dans l’entre-deux-guerres doit nous alerter, la démocratie ne disparaît pas forcément d’un coup. Elle peut s’effriter, se vider de son sens, petit à petit.

Source : Martin Landry, historien, Journal de Montréal, cahier weekend, 12 avril 2025, p66


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