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Histoire
Alors que l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont est sur la sellette et meuble les pages de journaux pour sa reconstruction qui tarde depuis des années, à cause de l’inertie politique. Voici l’histoire de cet important hôpital de l’Est de Montréal. Alors que le CHUM et le CUSM sont des réalisations récentes, l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont continue d’agonir, par sa vétusté.
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Pour bien des gens de l’est de Montréal, l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR), c’est « leur hôpital » : l’endroit où on est né, soigné, parfois sauvé, mais aussi, aujourd’hui, un établissement vieillissant, débordé, souvent en crise. Pourtant, à l’origine, l’HMR était une véritable fierté locale, un projet ambitieux qui a vu le jour grâce à la ténacité de médecins, de politiciens et surtout de religieuses déterminées à offrir à la population de l’est un hôpital à la hauteur de ses besoins.
Dans les années 1930 et 1940, Montréal est en pleine croissance. L’est de la ville se développe rapidement, avec l’industrialisation, mais il reste largement sous-desservi sur le plan hospitalier.

À l’ouest, les grands établissements anglophones dominent (Royal Victoria, Montreal Children, Jewish General), tandis qu’au centre, les francophones peuvent compter sur l’Hôpital Notre-Dame et l’Hôtel-Dieu. Mais à l’est de Papineau ? Rien ou presque. Une petite institution de 60 lits, l’Hôpital de la Providence, fondée en 1926, peine à suffire à la demande.
Les appels se multiplient pour la construction d’un hôpital général dans l’Est. Des pétitions sont envoyées, des pressions exercées. Mais les temps sont durs : la crise économique des années 1930 gèle les budgets, et la guerre mondiale détourne l’attention.
Ce n’est qu’à la fin des années 1940 que la conjoncture change. L’économie redémarre, Ottawa débloque des fonds pour la construction d’établissements hospitaliers et le gouvernement Duplessis, bien heureux de profiter de l’argent fédéral tout en servant sa base francophone, donne enfin son feu vert au projet.

DES CONDITIONS
C’est alors que l’idée prend forme, avec l’appui de figures influentes comme le député du quartier Maisonneuve, le docteur J.-F.-A. Gatien, et le maire Camillien Houde. Mais le gouvernement est clair : pas question de fonder un hôpital d’envergure sans l’implication d’une communauté religieuse. On se tourne alors vers les Sœurs Grises, déjà actives à l’Hôpital Notre-Dame. Le 15 mars 1949, le ministre de la Santé, Albiny Paquette, leur propose de prendre en charge un nouvel établissement de 500 lits dédié à l’est de Montréal.
Les religieuses ne sont pas dupes, elles acceptent, mais à leurs conditions. Elles exigent de choisir leurs médecins, leurs architectes. Elles demandent une gestion autonome et, surtout, qu’on ne leur impose pas les jeux politiques de Québec.
Elles veulent un vrai hôpital général, moderne, tourné vers les soins et l’enseignement. Le projet avance vite : le gouvernement accorde 2 M$ et la Ville de Montréal offre un terrain. Les sœurs, prudentes, mais redoutablement efficaces, envoient deux représentantes visiter des hôpitaux récents aux États-Unis pour s’inspirer des meilleures pratiques.
BOULEVARD ROSEMONT
Le choix du terrain se révèle épineux. Après plusieurs options rejetées, c’est finalement un vaste lot près du boulevard Rosemont qui est choisi. Accessible, assez grand pour permettre des agrandissements futurs, ce site devient le cœur du projet. L’hôpital, qu’on nomme entre autres en l’honneur du fondateur de Montréal, promet d’être moderne et à la fine pointe de l’évolution médicale. On adopte une devise ambitieuse : « Nous sommes les coopérateurs de Dieu. »
FIERTÉ ET DIGNITÉ
En 1954, l’hôpital ouvre enfin ses portes. C’est une fierté collective pour les Canadiens français. Une institution francophone, universitaire, moderne, fondée par et pour les gens de l’est de Montréal. On y installe une école d’infirmières expérimentale, on y forme des médecins, on y tente des premières chirurgicales.
L’établissement deviendra un centre de référence en ophtalmologie, en oncologie et en greffe.
70 ans plus tard, l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont porte toujours le poids de son passé glorieux et de ses murs fatigués. Il n’a pas été épargné par les compressions, la vétusté, le manque de vision à long terme.
Mais quand on se rappelle les efforts acharnés qu’il a fallu pour l’ériger, on comprend pourquoi tant de citoyens y tiennent encore. L’histoire de l’HMR, c’est celle d’un quartier qui s’est battu pour sa dignité et pour des soins à sa mesure. Peut-être est-il temps, aujourd’hui, de se battre à nouveau pour sa reconstruction.
Source : Martin Landry, historien, Journal de Montréal, cahier weekend, 10 mai 2025, p66