Un pan de notre histoire : La douche froide du référendum de 1980

Histoire

« Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de me dire : à la prochaine fois ! » lance le premier ministre du Québec, René Lévesque, au centre Paul-Sauvé de Montréal, le soir du 20 mai 1980.

Devant lui, une foule l’acclame chaleureusement, mais plusieurs spectateurs pleurent la défaite du camp du Oui à l’issue du référendum sur la souveraineté-association.

Après six semaines de campagne marquée par des débats intenses tant sur la place publique que dans les familles, le Non l’emporte avec 59,56 % des voix. Le Oui récolte un maigre 40,44 %.

« Les stratèges du Parti Québécois savaient depuis le début que ce serait difficile. Les sondages démontraient que l’indépendance ne ralliait pas la majorité des Québécois, mais René Lévesque s’était engagé à tenir une consultation dans son premier mandat et il a tenu parole », rappelle l’historien Éric Bédard, professeur à l’Université TELUQ et auteur de plusieurs livres sur l’histoire du Québec.

« SOUVERAINETÉ-ASSOCIATION »

C’est pour grossir les rangs du Oui que le gouvernement du Québec adopte, le 20 décembre 1979, la question référendaire qui ne se résume pas à « pour ou contre l’indépendance du Québec », mais porte sur un mandat de négocier la souveraineté-association. Un long préambule précise les enjeux et prévoit… un autre référendum.

« Pour Lévesque, cette question de l’association économique est capitale. Il veut établir une espèce de marché commun avec le reste du pays pour permettre la croissance. N’oublions pas qu’il n’existe pas d’accord de libre-échange à cette époque », ajoute-t-il.

L’interminable question référendaire qui compte 116 mots (voir plus loin, dans LA QUESTION) demande au peuple le mandat de négocier une nouvelle entente qui tiendrait compte de cette association économique.

La complexité de cette question servira les opposants qui feront flèche de tout bois pour faire échouer le camp souverainiste. Leur excellent slogan (« Mon nom est québécois ») et l’efficacité des leaders politiques serviront leur cause.

LE QUÉBEC DÉGONFLÉ

Pour l’historien Raymond Hudon, le référendum de 1980 offre le spectacle d’un Québec qui se dégonfle après deux décennies de ferveur nationaliste.

« Il y avait eu un incroyable bouillonnement culturel jusque-là, mais l’appui à la souveraineté n’était pas majoritaire. Le référendum était prématuré », résume l’auteur de l’article sur le sujet dans l’Encyclopédie canadienne et ancien professeur à l’Université Laval.

Ce qui reste de cet événement historique, c’est une certaine nostalgie, « comme un ressort qui s’est cassé ».

Pour Éric Bédard, c’est carrément un recul du Québec sur l’échiquier canadien qui se fait sentir. Le premier ministre du Canada, Pierre Élliot Trudeau, qui avait mis son honneur en jeu au nom de l’unité canadienne, procédera au rapatriement unilatéral de la constitution deux ans plus tard, au mépris des Québécois.

« Ce fut une douche d’eau froide », illustre-t-il.

Pour rajouter à cette déconvenue collective, la crise économique allait frapper fortement le continent. La Génération X chercherait sa place dans une société qui ne lui offrait pas d’ouverture et tenterait de se construire une identité.

LA QUESTION

Le Gouvernement du Québec a fait connaître sa proposition d’en arriver, avec le reste du Canada, à une nouvelle entente fondée sur le principe de l’égalité des peuples; cette entente permettrait au Québec d’acquérir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impôts et d’établir ses relations extérieures, ce qui est la souveraineté, et, en même temps, de maintenir avec le Canada une association économique comportant l’utilisation de la même monnaie; aucun changement de statut politique résultant de ces négociations ne sera réalisé sans l’accord de la population lors d’un autre référendum; en conséquence accordez-vous au Gouvernement du Québec le mandat de négocier l’entente proposée entre la Québec et le Canada ?

Source : Mathieu-Robert Sauvé, Journal de Montréal, cahier weekend, 24 mai 2025, p67


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