Un pan de notre histoire : Quand Churchill et Roosevelt ont fait de Québec le centre du monde

Histoire

Nous sommes au cœur de l’été 1943 et Québec est le théâtre d’un spectacle inédit. Franklin D. Roosevelt (président des États-Unis d’Amérique), Winston Churchill (premier ministre britannique) et William Lyon Mackenzie King (premier ministre du Canada) sont accueillis par des Québécois conscients d’assister à un moment historique. On échange des sourires, des poignées de main, on réclame des autographes. Et malgré la ferveur, l’atmosphère demeure étonnamment paisible dans les rues de Québec.

UNE CONFÉTENCE HAUTEMENT SECRÈTE

Du 17 au 24 août 1943, la Citadelle et le Château Frontenac accueillent la première Conférence de Québec (nom de code : QUADRANT). Churchill er Roosevelt y tiennent conseil, sous l’égide de leur hôte canadien.

Le choix de Québec n’a rien d’anodin, la ville est loin des combats, elle est facile à sécuriser, et symboliquement idéale pour une rencontre anglo-américaine en terre nord-américaine.

Malgré les efforts de Churchill pour inclure Mackenzie King dans toutes les discussions, Roosevelt s’y oppose âprement. Le président américain ne veut pas créer de précédent qui forcerait par la suite l’inclusion d’autres nations. Le Canada sera donc en 1943, l’hôte discret d’un rendez-vous décisif.

MOSCOU ET CHONGQING

En 1943, la guerre est mondiale et les Alliés doivent préserver une unité fragile. Les États-Unis et le Royaume-Uni savent qu’ils ne peuvent vaincre l’Allemagne et le Japon sans l’appui de l’Union soviétique de Staline (qui affronte seule l’essentiel de l’armée allemande sur le front de l’Est) et la Chine nationaliste de Tchang Kaï-chek.

C’est pourquoi, même si ni Staline ni Tchang Kaï-chek ne participent à la conférence, Roosevelt et Churchill jugent essentiel de leur transmettre les décisions prises à Québec. Les résolutions stratégiques sont donc officiellement communiquées à Moscou et à Chongqing (la capitale provisoire de la Chine).

La rencontre de Québec s’inscrit ainsi dans une vaste chorégraphie de pourparlers visant à maintenir la cohésion alliée et à redessiner l’équilibre militaire mondial.

PAS QUE DES DISCUSSIONS À HUIS CLOS À QUÉBEC

Entre deux séances statutaires de travail, Roosevelt, Churchill et leurs proches s’échappent pour pêcher. Imaginez-les lancer leurs lignes à l’eau, discuter de stratégies pour faire tomber le régime d’Adolf Hitler en fumant des cigares ou en cuisinant des truites fraîchement pêchées. On raconte qu’après la conférence, Churchill est resté quelques jours pour se reposer dans un de ces camps de pêche.

À LA CITADELLE, UN PACTE SECRET OUVRE L’ÈRE NUCLÉAIRE

Dans les couloirs de la conférence, le dossier nucléaire est abordé à l’abri des regards. Le 19 août 1943, Churchill et Roosevelt signent le Québec Agreement, une entente qui concrétise la fusion du programme nucléaire britannique avec le projet Manhattan (nom de code donné au programme des États-Unis pour mettre au point la première bombe atomique). Le Canada n’est pas signataire, mais jouera un rôle clé entre autres dans l’approvisionnement d’uranium.

LE MONDE EST AUX AGUETS

Si cette conférence de 1943 est secrète, son écho deviendra viral. L’année suivante, le deuxième rendez-vous se fera encore à Québec (septembre 1944). Cette fois-ci, plus de 150 correspondants vont se donner rendez-vous à la Citadelle.

POURQUOI LA PREMIÈRE CONFÉRENCE DE QUÉBEC EST-ELLE SI IMPORTANTE

Les alliés verrouillent plusieurs choix structurants :

  • On y dessine les grandes lignes de l’opération Overload (débarquement de Normandie);
  • La campagne d’Italie devient la pièce maîtresse pour affaiblir l’Axe en Europe;
  • On renforce l’effort de guerre dans le Pacifique pour battre le Japon;
  • On signe un pacte nucléaire secret qui scelle la coopération scientifique américano-britannique, avec l’appui du Canada.
  • Qui aurait cru que le sort de l’humanité se déciderait chez-nous : à la Citadelle de Québec, dans un simple camp de pêche ou sous le matelas d’un jeune sergent-major ?

ANECDOTE

Fait inusité, on raconte qu’un jeune sous-officier, le sergent-major Émile Couture, qui avait pour tâche de nettoyer après le départ des délégations, aurait trouvé un portefeuille en cuir marqué « Churchill-Roosevelt, Quebec Conference, 1943 ». Il aurait découvert à l’intérieur des documents extrêmement sensibles sur l’opération Overload.

Pris de panique, Couture aurait caché le dossier sous son matelas avant de le remettre le lendemain à ses supérieurs. Un peu plus tard, le jeune québécois recevra en toute discrétion la British Empire Medal.

À L’ORDRE DU JOUR, L’INVASION DE L’EUROPE OCCUPÉE

Au cœur des échanges, l’opération Overload, le nom de code donné au plan des Alliés pour libérer l’Europe de l’occupation nazie. C’est à Québec que les Alliés se fixent pour objectif de débarquer en Normandie autour du 1er mai 1944 (la date glissera finalement au 6 juin)

Source : Martin Landry, historien, Journal de Montréal, cahier weekend, 30 août 2025, p70


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