Un pan de notre histoire : En 1864, menaces américaines et rêve de Confédération

Histoire

Dans le cadre du vœu arrêté de « Face de beu », d’annexer le Canada, l’historien Martin Landry a publié récemment, dans le cahier weekend du Journal de Montréal, que ce n’est pas d’hier que les États-Unis, veulent en faire un État…

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Au milieu du XIXe siècle, de plus en plus de politiciens et d’hommes d’affaires font circuler l’idée que l’avenir du Canada-Uni passe par une union avec les autres colonies britanniques d’Amérique du Nord. Cette pensée ne reste qu’un vœu pieux.

Puis, en 1864, le changement d’attitude du président des États-Unis envers nous rend cette idée un peu folle auprès des plus conservateurs tout à fait envisageable.

QUE S’EST-IL PASSÉ ?

À cette époque, on peut dire que le contexte politique et économique est plutôt insécurisant au Canada (Canada-Uni). Sur le plan politique, la vie parlementaire est un peu chaotique, principalement à cause de la multiplication des partis. Par exemple, entre 1854 et 1864, aucune formation politique n’est capable d’obtenir une majorité à la chambre d’Assemblée.

Élection après élection, le Canada est toujours en situation de gouvernement minoritaire. Malgré de nombreuses tentatives de collaborations, dix gouvernements se succéderont pendant cette période de dix ans.

Un de ces gouvernements ne va durer que trois jours. Pouvez-vous imaginer l’instabilité au Parlement ? On est constamment en élection et les gouvernements qui se succèdent sont incapables de mettre en place des stratégies de développement durable.

Ces dix années d’instabilité vont donner l’idée à plusieurs que la Constitution doit être redessinée.

Peut-être inspiré par nos voisins du Sud, le projet de créer une fédération avec les autres colonies britanniques d’Amérique du Nord revient souvent sur le tapis.

Quelles sont ces colonies voisines et combien y en a-t-il ? Cinq : le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve et, depuis 1858, la toute jeune Colombie-Britannique (crée en réponse à la ruée vers l’or du canyon du Fraser).

ENJEUX ET STRATÉGIE

En 1864, les chefs des deux puissants partis politiques du Canada-Ouest, George Brown et John A. Macdonald, se coalisent avec le chef du Parti bleu du Canada-Est, George-Étienne Cartier, pour faire avancer un projet de confédération.

Ils veulent jeter les bases de ce que pourrait être un nouveau système politique plus stable, plus représentatif (Rep by Pop), mais aussi plus autonome économiquement pour être plus indépendant face aux Américains.

Voyez-vous comme l’histoire s’invite souvent dans l’actualité ?

En 1864, les Américains, en pleine guerre civile, nous font sentir qu’au lendemain du conflit, il mettront fin au Traité de réciprocité canado-américain. Ce libre-échange stimule pourtant nos deux économies depuis 1854. Une crainte justifiée, parce que l’accord commercial n’est pas renouvelé en 1866.

Ce projet d’union des colonies britanniques au nord pour créer un vaste marché intérieur va devenir la meilleure option pour contrer le ralentissement des exportations qui nous pend au bout du nez.

INCERTITUDES TERRITORIALES

Le guerre de Sécession aux États-Unis met en lumière une haine viscérale entre les gouvernements de Londres et de Washington.

Des tensions importantes se matérialisent quand les Américains menacent d’envahir le Canada-Uni à la fin de leur guerre civile principalement parce que les Britanniques avaient commercé avec les États rebelles du Sud pendant le conflit.

Les Canadiens se sentent coincés entre deux puissances militaires et la menace d’être encore envahis par l’armée américaine les effraie. Je dis « encore » parce que les habitants de la vallée du Saint-Laurent se souviennent qu’en 1775 et en 1812, Les Étatsuniens ont foulé notre sol avec leurs contingents militaires.

Comme si ce n’était pas assez incertain, c’est l’époque où les Canadiens subissent les attaques répétées des Féniens.

Connaissez-vous ces Féniens ? Ce sont des nationalistes irlandais qui se battent contre la présence britannique en Irlande.

Dans les années 1860, les Féniens nord-américains essayent d’envahir le territoire du Canada-Uni et de faire tomber, par la force, notre gouvernement. Leur stratégie, c’était qu’une fois en possession du Canada, ils l’auraient utilisé comme monnaie d’échange pour négocier la libération de l’Irlande.

C’est aussi l’époque de la conquête de l’Ouest par les Américains, un étalement étatsunien qui ne respecte pas les frontières de la terre de Rupert.

Pour couronner le tout, la Grande-Bretagne coupe dans ses dépenses militaires et la province du Canada doit impérativement se constituer une armée pour protéger sa longue frontière. Une union avec les autres colonies britanniques semble encore une fois une excellente idée pour financer la création de cette armée.

LA CONFÉRENCE DE CHARLOTTETOWN EN 1864

C’est dans ce contexte que la Grande Coalition canadienne de Brown, Macdonald et Cartier se fait inviter à titre d’observatrice à une réunion politique entre les colonies des Maritimes au mois de septembre 1864 à Charlottetown.

L’ordre du jour ? Un projet d’union, mais pas pour tout le monde. Pour les colonies de l’Atlantique seulement.

Les représentants du Canada-Uni embarquent donc sur le bateau à vapeur, le Queen Victoria, en direction de l’Île-du-Prince-Édouard.

Avant de jeter l’ancre, on a bien pris soin de faire mettre à bord du navire de nombreuses caisses du meilleur champagne. Les émissaires du Canada-Uni ont pour stratégie d’intégrer cette union des Maritimes qui se dessine et, pour y arriver, ils vont devoir détendre l’atmosphère.

Arrivés à destination, ils ne resteront pas observateurs bien, bien longtemps. Nos Canadiens vont demander à prendre la parole pour exposer leur propre projet.

Il font comprendre à leurs vis-à-vis qu’une union entre colonies britanniques voisines stimulerait les économies de tous et les rendrait plus forts face au géant américain. Mais pour y arriver rapidement, il faudrait simplement se dessiner un réseau ferroviaire efficace pour raccorder nos territoires.

Après avoir convenu que la possible union serait de type fédéral, on met fin à cette rencontre de Charlottetown. George-Étienne Cartier invite tous les représentants des colonies dans la ville de Québec dans un mois.

Pas de temps à perdre ! Les délégués pourront aussi venir avec leur famille. Même si plusieurs sont réticents, la peur étatsunienne motive de plus en plus de délégués à envisager de se réinventer une nouvelle économie entre nous et sans eux.


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