Un pan de notre histoire : Il y a 59 ans, Montréal entrait dans la modernité

Histoire

Vous souvenez-vous de la construction du métro de Montréal. Moi, oui ! J’avais 15 ans, ce 14 octobre 1966 et j’y étais à me promener gratuitement dans cette foule massée sur les quais. Ça sentait le caoutchouc chauffé puisque cette merveille moderne roulait sur des pneumatiques.

À l’époque, nous avions un maire dynamique qui n’a jamais eu de successeur capable de mettre Montréal sur la carte planétaire. Les années de son règne, en plus du métro, il nous a ouvert sur le monde avec l’Expo 67 et le baseball majeur avec les Expos, dont on s’ennuie encore.

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Le 14 octobre 1966, les Montréalais retiennent leur souffle. Dans la station flambant neuve de Berri-De Montigny, le maire Jean Drapeau coupe le ruban pour inaugurer le nouveau métro. L’événement est historique : avec ce transport collectif d’un genre inédit, la métropole entre résolument dans l’ère moderne.

Le réseau compte 26 stations réparties sur trois lignes ; la verte, l’orange et la jaune. Il couvre 26 kilomètres, mais il faudra attendre le printemps pour que la ligne jaune accueille ses premiers passagers, juste à temps pour l’Expo 67.

Ce n’est pas d’hier que Montréal rêve d’enfouir son transport public. Dès 1910, on creuse timidement quelques tunnels pour désengorger les tramways du centre-ville, mais la crise des années 1930 enterre le projet. En 1944, la Montreal Tramways Comgany revient à la charge, mais les dépenses de guerre et les débats sur la municipalisation du transport freinent encore l’élan.

RATTRAPER TORONTO

Il faut attendre 1953 pour qu’un vrai plan voie le jour : un métro électrique de 12,5 km passant sous les rues Saint-Denis, Saint-Jacques et Sainte-Catherine. Coût estimé : 117 millions de dollars. Malheureusement, les élus tergiversent et le projet est reporté.

Pendant ce temps, Toronto creuse. En 1954, la Ville Reine inaugure son métro.

À Montréal, on grince des dents. Les élus et les citoyens, piqués dans leur orgueil, veulent rattraper le retard.

Tout s’accélère avec l’élection en 1960 : le duo Jean Drapeau et Lucien Saulnier s’installe à l’hôtel de ville. Dès janvier 1961, la Ville décide d’arrêter d’attendre que l’argent tombe du ciel et choisit de financer elle-même le projet, sans compter sur les autres municipalités de l’île.

INSPIRATION PARISIENNE

Un comité spécial se met aussitôt au travail, sous la direction d’un ingénieur. À l’automne, un avant-projet prend forme : une ligne est-ouest (la future verte), une ligne nord-sud (l’orange) et une ligne passant sous le mont Royal. Cette dernière sera vite remplacée par une idée plus audacieuse : un tracé sous le fleuve Saint-Laurent, menant directement au site de l’Exposition universelle de 1967. Ce sera la ligne jaune.

Le 3 novembre 1961, le conseil municipal débloque 132 millions de dollars. Montréal commence à creuser sa révolution.

De retour d’un voyage à Paris, Jean Drapeau est fasciné par une nouveauté : là-bas, le métro roule sur pneus. Plus silencieux, plus souple, plus moderne.

Des ingénieurs français, Georges Derou et Jacques Gaston, de la RATP, sont invités à Montréal, et la société Michelin fournit la technologie qui permettra à la métropole d’avoir, elle aussi, un métro sur pneus. On électrifie, on modernise, on réinvente : c’était ça, les années 1960.

Le 23 mai 1962, les premiers coups de pelle résonnent rue Berri. Chaque station a sa personnalité, dessinée par un architecte québécois et décorée par un artiste local. Montréal creuse sculpte et, surtout, rêve. En novembre, la nouvelle tombe : l’Expo 67 aura lieu à Montréal. Résultat : la ligne jaune devient prioritaire, reliant le centre-ville aux îles Sainte-Hélène et Notre-Dame, jusqu’à Longueuil.

L’année suivante, le budget explose à 213 millions de dollars. La firme Canadian Vickers reçoit le contrat des voitures MR-63. Les premiers wagons sont livrés deux ans plus tard. Oui, oui… deux ans, pas huit, grâce entre autres à l’agilité de celui qu’on surnommera bientôt le père du métro, Lucien L’allier.

À son apogée, 5000 ouvriers s’activent sur le chantier de ce projet titanesque. On déplore douze morts parmi les travailleurs. Pendant quatre ans, la ville gronde : son cœur bat au rythme des foreuses.

UN GRAND JOUR

Le 14 octobre 1966, à 14h30, Montréal inaugure enfin son métro. Vingt stations ouvrent d’un coup ce jour-là. Le weekend suivant, un million de curieux descendent sous terre pour faire des allers-retours et découvrir le réseau.

Selon les plans initiaux, il reliait Atwater à Frontenac (ligne verte), Henri-Bourassa à Bonaventure (ligne orange) et Berri-De Montigny à Longueuil (ligne jaune).

Mais qui était donc ce Berri-De Montigny ? En fait, personne ! Ce nom vient simplement du croisement entre la rue Berri et la rue de Montigny, où se trouve la station centrale du réseau.

Les plus jeunes ne connaissent plus cette dernière : la rue a rapidement été renommée boulevard De Maisonneuve peu après l’inauguration.

Les Montréalais adoptent immédiatement leur métro. Dès la première année, plus de 130 millions de déplacements sont enregistrés. Durant l’Expo 67, la station de l’île Sainte-Hélène devient la plus fréquentés du monde avec 418 000 passagers en une seule journée.

SYMBOLE

Avec son métro, Montréal venait d’entrer dans la modernité. Sous ses rues, dans ses tunnels impeccablement dessinés, la ville respire autrement. Le métro n’est pas qu’un moyen de transport : c’est un symbole, celui d’une métropole qui, depuis ce jour d’octobre 1966, a la capacité de se réinventer.

Source : Martin Landry, historien, Journal de Montréal, cahier weekend, 11 octobre 2025, p52


2 commentaires sur “Un pan de notre histoire : Il y a 59 ans, Montréal entrait dans la modernité

  1. Je m’en souviens! Ce sont de très beau souvenir. Cela a ouvert la porte de Montréal au monde entier. J’avais 22 ans

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  2. Je me rappelle encore ma première sortie en métro. J’avais fait toutes les lignes. La ligne jaune me fit découvrir Longueuil et leurs autobus qui avaient une bien curieuse de couleur pour un ti-cul qui n’avait rien connu d’autre que Montréal.

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