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Histoire
Les soirs d’octobre ont toujours eu quelque chose de magique pour les amateurs de baseball.
Cette année, la magie a repris forme grâce à cette belle vague bleue, signée Blue Jays de Toronto, qui a déferlé sur tout le pays. À Montréal, Québec, Trois-Rivières, on s’est surpris à suivre les matchs tard dans la nuit, le cœur battant à chaque circuit de Vladimir Guerrero Jr., ce jeune colosse au sourire tranquille qui porte désormais sur ses épaules les espoirs d’un pays.
Et cette semaine, le circuit de trois points de Georges Springer a soulevé la foule en liesse au Rogers Center, envoyant les Blue Jays de Toronto en Série mondiale.
Pour des milliers de Québécois, cette fièvre du baseball a un goût de déjà-vu. Elle réveille des souvenirs : ceux d’une époque où les Expos de Montréal faisaient vibrer le Stade olympique et où, un été après l’autre, le rêve d’une Série mondiale semblait à portée de gant.

L’ÈRE DES EXPOS
Tout commence à la fin des années 1960. Montréal est en pleine effervescence : l’Expo 67 a projeté la ville sur la scène internationale et Jean Drapeau rêve d’une métropole moderne et ambitieuse.
C’est dans ce contexte qu’en 1969, la ville obtient une franchise des Ligues majeures de baseball, la première de l’histoire accordée à une ville hors des États-Unis. Le nom s’impose de lui-même : les Expos.
Le premier match a lieu le 14 avril 1969 au parc Jarry, un petit stade improvisé, coincé entre deux rues résidentielles du Nord de Montréal. Ce jour-là, 29 000 spectateurs et quelque 200 journalistes s’entassent pour voir la nouvelle équipe.

Dès cette première saison, Montréal est conquise. Rapidement, le baseball devient un langage commun : les pères apprennent à leurs fils à compter les balles et les prises, les mères tricotent des casquettes bleues et rouges, les enfants collectionnent les cartes de Gary Carter, Andre Dawson, Tim Raines et, plus tard, celles de Vladimir Guerrero.
Le parc Jarry puis le Stade olympique deviennent des lieux de rassemblement. On y vient pour rêver, pour se défouler, pour être ensemble.
Les soirs d’été, le métro déborde de familles, d’amis, de couples qui se tiennent par la main et crient « Go Expos Go ! »
Montréal est une ville de hockey, certes, mais pendant ces années-là, elle est aussi une ville de baseball.
UNE PASSION POPULAIRE, MAIS AUSSI POLITIQUE
Le baseball, à Montréal, n’était pas qu’un sport, c’était un symbole. Symbole d’ouverture sur le monde, d’un Québec qui voulait s’affirmer autrement qu’à travers le Canadien de Montréal ou la politique.
Quand les Expos ont vu le jour, le Québec sortait à peine de la Révolution tranquille. Les Québécois se cherchaient de nouveaux repères identitaires, de nouvelles fiertés. Et quoi de plus rassembleur qu’un sport américain… conquis par une équipe francophone ?
On oublie souvent à quel point le baseball des Expos avait une saveur nationale. Les annonces se faisaient en français et en anglais, et les commentateurs comme Jacques Doucet ou Rodger Brulotte sont devenus des légendes.
Les soirs de victoire, les klaxons résonnaient sur la rue Sainte-Catherine comme après une conquête de la coupe Stanley. C’était une époque où Montréal osait rêver grand.
SI PRÈS DU SOMMET
Les Expos ont connu des saisons héroïques. En 1979, ils remportent 95 victoires et manquent la Série mondiale d’un souffle.
Deux ans plus tard, en 1981, l’équipe atteint enfin les séries éliminatoires et se rend jusqu’à la finale de la Ligue nationale.
Le 19 octobre 1981, au Stade olympique, tout un peuple retient son souffle : un seul match les sépare de la Série mondiale. Mais le sort en décide autrement, alors que Rick Monday, des Dodgers de Los Angeles, frappe un circuit dévastateur en neuvième manche.
C’est la fameuse journée qu’on appellera plus tard Blue Monday, un traumatisme sportif gravé dans la mémoire collective.
Puis vient 1994. Les Expos sont au sommet : meilleure fiche du baseball, une équipe jeune, explosive, spectaculaire. Mais la grève des joueurs interrompt la saison et l’espoir s’effondre. C’est la fin d’une époque.
L’équipe ne s’en remettra jamais vraiment. En 2004, les Expos jouent leur dernier match à Montréal. Le rêve s’éteint.
L’AUTRE ÉQUIPE DU CANADA

Pendant ce temps, ailleurs au pays, une autre équipe monte en puissance. En 1977, huit ans après la naissance des Expos, les Ligues majeures accordent une deuxième franchise canadienne : les Blue Jays de Toronto.
Ils commencent modestement au vieux Exhibition Stadium, sur les rives du lac Ontario, mais la Ville de Toronto investit massivement. Le baseball devient rapidement un élément de prestige national, un outil d’unification du Canada anglophone autour d’une équipe « de la maison ».
Au début, au Québec, les Jays représentent surtout une rivalité. Ils sont les cousins riches, ceux qui ont le soutien des grandes entreprises et des médias anglophones.
En 1992 et 1993, ils remportent deux fois de suite la Série mondiale grâce à des vedettes comme Joe Carter et Roberto Alomar.
Le pays entier célèbre, sauf peut-être Montréal, qui regarde ces triomphes avec un pincement au cœur. Il faudra attendre la disparition des Expos pour voir des milliers de Québécois adopter Toronto par procuration.
LE RETOUR DE LA FIÈVRE
Et nous voilà en 2025. Les Blue Jays viennent d’éliminer Seattle dans un septième match d’anthologie.
Leur retour en Série mondiale enflamme tout le pays. Dans les bars de Montréal, les écrans géants diffusent les matchs ; les chandails bleus fleurissent dans les rues ; les enfants rêvent de frapper des circuits. À Québec, Sherbrooke, Saguenay, les ligues mineures voient leur nombre d’inscriptions grimper. Le baseball n’est plus seulement un souvenir : il est redevenu une passion nationale.
Comme si ce n’était pas suffisant, ce retour de flamme, on le doit en partie au talent de Vladimir Guerrero Jr., le fils du légendaire Vladimir Guerrero Sr., qui avait électrisé Montréal à la fin des années 1990.
Le père, joueur emblématique des Expos, frappait tout ce qui bougeait – des balles au-dessus de la tête. Dans la terre ou hors de la zone. Il jouait avec le cœur, la fougue d’un Montréal multiculturel et fier.
Son fils, qui est aujourd’hui une vedette des Blue Jays, est devenu le visage de cette nouvelle ère. Son sourire, sa puissance, son calme rappellent à beaucoup l’époque dorée des Expos.
On dirait presque que l’histoire recommence… mais avec une autre couleur de chandail.
Source : Martin Landry, historien, Journal de Montréal, cahier Weekend, 25 octobre 2025, p50
Trump nous aide à aimer les blue jays.
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