Un pan de notre histoire : même colère à Montréal en 1918 qu’en 2025

Histoire

En décembre 1918, la Grande Guerre venait tout juste de s’achever. Alors que l’Europe pansait ses plaies, Montréal s’est retrouvée en pleine tempête sociale. Une grève municipale historique secouait la métropole, la paralysant pendant plus d’une journée. Cent ans plus tard, alors que les Montréalais subissent des perturbations de service du métro et des autobus, difficile de ne pas voir dans cette crise un écho de celle d’il y a un siècle.

Entre 1881 et 1921, Montréal absorbe plus de 20 municipalités et voit sa population bondir de 140 000 à 618 000 habitants, une hausse de 450 %. Cette expansion rapide vient avec une facture, une dette colossale.

« Montréal hérite notamment de 17 millions de dollars de dettes pour la seule ville de Maisonneuve », peut-on lire dans les Archives de Montréal.

Pour redresser les finances, Québec place la métropole sous la tutelle d’une commission administrative chargée de couper dans les dépenses.

Résultat, des centaines de congédiements, des salaires gelés depuis dix ans et un climat d’injustice généralisé. Le maire Médéric Martin tente de défendre ses employés, mais il a perdu son influence aux mains de cette commission nommée par le gouvernement provincial.

EXPLOSION DU 12 DÉCEMBRE 1918

Dans ce climat tendu, les employés municipaux s’organisent. Le 7 décembre, quatre syndicats, ceux des policiers, des ingénieurs mécaniciens et des employés de l’aqueduc forment un front commun. Cinq jours plus tard, plus de 1600 travailleurs votent la grève (La Patrie, 12 décembre 1918)

Dès midi, le 12 décembre, Montréal bascule dans le chaos. Il n’y a plus de policiers dans les rues. Des centaines d’alarmes d’incendie sont déclenchées, des affrontements violents entre grévistes et agents privés embauchés pour les remplacer ont lieu.

L’armée est appelée pour protéger les stations de pompiers et l’usine de filtration de l’aqueduc.

Le lendemain, les pompiers se joignent au mouvement. Même les employés des tramways, alors seuls responsables du transport collectif, menacent de débrayer par solidarité. Pendant trente-trois heures, Montréal est littéralement paralysée.

LA MÉDIATION ET LA SORTIE DE CRISE

Grâce à l’intervention de l’archevêque de Montréal et du premier ministre Lomer Gouin, un tribunal d’arbitrage est créé dès le 13 décembre. Le lendemain, la grève prend fin.

Le rapport d’arbitrage, déposé le 3 février 1919, accorde plusieurs gains, dont une hausse des salaires et une reconnaissance officielle du droit de se syndiquer,

Un policier de première classe voit son salaire passer de 1150 $ à 1400 $ par an. Pour l’époque, c’est une victoire majeure.

Ce conflit de trente-trois heures marquera durablement l’histoire du monde ouvrier montréalais. Il s’inscrit dans un contexte nord-américain plus large, celui d’une vague de grèves et de revendications : Ottawa, Vancouver, Toronto et même Winnipeg vivront, en 1919, leurs propres soulèvements ouvriers (Archives de Montréal, « La grève municipale de 1918 ».

1918-2025, MÊMES CAUSES, MÊME EXASPÉRATION

Un siècle plus tard, Montréal rejoue une partition familière. La grève actuelle du métro et des autobus, comme celle de 1918, plonge la ville dans une paralysie frustrante et soulève la même question. Comment concilier le respect des travailleurs avec la continuité d’un service public vital ?

Les protagonistes ont changé, les tramways ont cédé la place au wagons souterrains, mais le cœur du problème reste étrangement identique. Les salaires, les conditions de travail, la reconnaissance. Et comme en 1918, c’est encore la population qui subit, particulièrement les Montréalais ordinaires, ceux qui attendent les autobus bondés, ceux qui doivent marcher les pieds dans la gadoue.

En 1918, la grève aura duré à peine plus d’une journée, mais elle aura forcé la Ville à écouter ses travailleurs et à rétablir le dialogue. Elle avait montré que l’arrogance administrative et l’indifférence envers ceux qui font tourner la machine urbaine mènent toujours au même endroit, à l’immobilisme.

Peut-être est-ce là, finalement, la leçon à retenir en 2025, à force d’oublier son passé, Montréal rejoue les mêmes scènes, sur d’autres rails.

Source : Martin Landry, historien, Journal de Montréal, cahier weekend, 15 novembre 2025, p53


Un commentaire sur “Un pan de notre histoire : même colère à Montréal en 1918 qu’en 2025

  1. Plus cela change plus c’est pareil. un vieux dicton qui perdure.

    Les prochaines augmentations seront surement pour les DIRIGEANTS. Croyez-moi

    ILS VONT SE BOURRER.

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