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Histoire
Au hockey, les meilleurs entraîneurs sont de grands tacticiens et de bons motivateurs, mais certains sont en plus des meneurs d’hommes. Ceux qui, par leur seule présence, savent élever le jeu d’un cran et font d’une équipe une famille. Exactement ce que Martin St-Louis est en train de faire avec nos Canadiens, vous ne trouvez pas ?

Depuis que St-Louis a pris la barre de la Sainte-Flanelle, on sent une énergie différente dans le vestiaire. On sent que l’équipe a retrouvé son âme. On dirait que les joueurs ne patinent pas pour lui (Martin St-Louis), mais avec lui. Une telle ascendance sur des athlètes multimillionnaires est plutôt rare dans la LNH de 2025.
Et ce magnétisme du coach qu’on ressent cette année m’amène à me poser la question… Qui, dans la grande histoire du Canadien, a su incarner le plus grand leadership derrière le banc de Montréal ?
TOE BLAKE ?
Les plus âgés penseront peut-être à Toe Blake, celui qui a dirigé le club durant les glorieuses années de Maurice Richard, de Jean Béliveau et de Doug Harvey. Blake, c’était la voix du vestiaire, la figure paternelle, l’entraîneur ferme, mais juste.
« Il prônait la discipline, la loyauté et le respect du chandail » -Jean Béliveau
Entre 1955 et 1968, Blake a mené Montréal à huit coupes Stanley, un sommet qui semblait alors inatteignable. Mais, à mon avis, un autre coach, venu un peu plus tard, allait redéfinir l’art d’entraîner.
SCOTTY BOWMAN
Arrivé à Montréal en 1971, Scotty Bowman n’était ni un grand communicateur ni un entraîneur au cœur tendre.
C’était un architecte du hockey. Sous sa gouverne, le Canadien a connu l’une des plus impressionnantes dynasties du sport moderne, soit cinq coupes Stanley en huit saisons, dont quatre consécutives entre 1976 et 1979.
« Son approche analytique et sa capacité à anticiper le jeu ont redéfini la profession d’entraîneur » – Ken Dryden
Ce qui le distinguait ? Sa force de concevoir lo hockey comme un système complet, presque scientifique. Rien ne lui échappait : la posture d’un joueur, le tempo d’une relance, la cohésion d’un trio.
Certains joueurs le craignaient, d’autres le vénéraient, mais tous le respectaient.
Larry Robinson racontait que Bowman pouvait « voir venir un but avant que la rondelle ne traverse la ligne bleue ». Le gardien Ken Dryden dira dans son livre qu’il « connaissait mieux les forces de ses joueurs qu’eux-mêmes ».
UN CARACTÈRE VOLCANIQUE
Mais ce génie de Bowman s’accompagnait d’un tempérament explosif.
Il était reconnu pour ses colères mémorables et ses silences intimidants. Pour sanctionner un athlète, il pouvait l’ignorer plusieurs jours s’il jugeait qu’il n’avait pas livré l’effort attendu. On raconte qu’un soir, après une défaite frustrante contre les Bruins, il aurait refusé d’adresser la paroles aux joueurs pendant tout le trajet du retour, ce silence de mort se serait imposé à toute l’équipe durant la longue route entre Boston et Montréal.
Sa relation avec les médias était tout aussi singulière. Bowman considérait la presse comme une autre facette du jeu, un espace qu’il devait contrôler, où chaque mot pouvait devenir un avantage stratégique.
L’HÉRITAGE D’UN MENEUR
Malgré ses manies et ses frasques, Bowman a forgé des équipes championnes.
Sous sa direction, Guy Lafleur a atteint le sommet de son art, et le Tricolore a pratiqué un hockey rapide, précis et impitoyablement efficace. Il a fait du Canadien une véritable machine à gagner. Quand il quitte le club en 1979, la dynastie s’effrite, comme si l’âme du groupe partait avec lui. Il poursuivra ensuite sa route à Buffalo, puis à Pittsburgh avec le grand Mario Lemieux, et enfin, à Détroit, récoltant au total neuf coupes Stanley comme entraîneur, un record toujours inégalé.
« Bowman n’entraîne pas des joueurs, il modèle des vainqueurs » – Ken Dryden
Aujourd’hui, alors que Martin St-Louis insuffle un vent de passion et d’authenticité sur le grand club, difficile de ne pas avoir envie de cette force qui jaillissait du vestiaire à une autre époque. Bien sûr, St-Louis ne cherche pas à imiter Bowman, il est diamétralement plus humain, plus accessible et plus moderne.
Mais tous les deux semblent partager la même conviction, celle que la victoire se bâtit d’abord sur la confiance, la solidarité et la fierté de porter le chandail de l’équipe.
Puis, tant qu’à rêver, je vous invite à observer le regard perçant de Martin St-Louis quand l’équipe perd de son intensité. On croirait apercevoir celui du grand Maurice Richard.
Comme lui, St-Louis sait que la victoire se gagne d’abord dans la tête.
Source : Martin Landry, historien, Journal de Montréal, cahier weekend, 15 novembre 2025, p54