Lettre à l’automobiliste

 

Accident3 En fin de semaine dernière, on dénombrait 9 pertes de vie, en majeure partie chez des jeunes conducteurs. Triste bilan ! Invariablement, la vitesse est une des causes de ces décès. En fouillant mes archives accumulées au fil des années, j’ai redécouvert quelques textes pertinents qui font réfléchir. Celui-ci, particulièrement, a été écrit à l’intention des automobilistes, par un Commissaire du Service de Sécurité du Kentucky, il y a quelques années. Son message était clair et s’adressait aux fous du volant… pour qui la vitesse n’a pas de prix, même pour une vie.

« Vous me fendez le coeur ! »

Vous êtes peut-être de ceux qui me téléphonent ou qui m’écrivent pour me dire que mes agents arrêtent les automobilistes et leur donnent des contraventions pour des riens. Comment le saurais-je, vous ne vous identifiez jamais !

Vous me racontez que vous êtes un bon citoyen et un conducteur prudent et que vous ne comprenez pas pourquoi cet imbécile d’agent vous a collé une contravention pour excès de vitesse sur l’autoroute. N’a-t-elle pas été construite pour cela, me dites-vous ?

Vous me fendez le coeur ! J’espère qu’on vous attrapera encore la prochaine fois que vous filerez à 130 km/h. J’espère qu’on vous donnera une autre contravention et que le juge vous retirera votre permis. J’espère qu’on saura vous arrêter avant que vous ne vous écrasiez sur la culée d’un pont à 130 km/h et qu’on ait à retirer votre cadavre des ruines de votre machine à vitesse.

J’aimerais que cette contravention vous serve de leçon et vous fasse réfléchir afin que vous ne soyez pas responsable de la mort de quelqu’un d’autre.

Se tordre de douleur

Je suis vraiment très peiné pour vous lorsque vous me dites que vous n’avez pas le temps de vous présenter devant la Cour pour régler cette histoire de contravention. Si seulement vous pouviez m’accompagner sur les lieux d’un accident ! Si seulement, je pouvais vous obliger à regarder un homme se tordre de douleur sur l’accotement en attendant l’ambulance qui le conduira peut-être à la morgue !

Si seulement, je pouvais vous obliger à ramasser et à déposer dans des paniers les fragments d’os et les lambeaux de chair d’une famille entière.

Vous en auriez un haut-le-coeur, tout comme mes agents d’ailleurs, mais vous vous en souviendriez chaque fois que vous reprendriez la route.

Vous me dites que vous conduisiez prudemment au moment où l’agent vous a arrêté, que la voie était libre, et qu’il n’y avait pas de mal à dépasser la limite de vitesse quelque peu. Je suis très impressionné par votre capacité de juger de l’état des routes. Je n’ai qu’un regret et c’est qu’il n’y ait pas eu d’agent à ce même endroit, il y a quelques mois lorsqu’un père de quatre enfants a eu une crevaison à environ 120 km/h. Il aurait peut-être ralenti; aujourd’hui, sa veuve et ses orphelins ne le pleureraient pas.

Encore vivant

Vous êtes contrarié ? Cet homme l’aurait sûrement été si l’agent l’avait arrêté. Peut-être même m’aurait-il écrit. Mais au moins, il serait encore vivant.

Votre lettre ne me touche même pas, Monsieur. Mais le fait que vous n’ayez pas encore appris votre leçon est loin de me laisser indifférent. Vous allez probablement reprendre la route comme si elle vous appartenait en vous disant que rien ne peut vous arriver. Pensez-donc un peu aux autres automobilistes qui, eux, n’ont pas envie de mourir.

Votre fils

Je suppose que c’est vous qui vous êtes chargé de montrer à conduire à votre fils ? Il a dû écoper de quelques contraventions lui aussi. Il n’y a donc pas de quoi se surprendre qu’il serpente entre les autres voitures, conduise à une allure folle et démarre comme un bolide.

J’espère que nous saurons l’attraper lui aussi avant qu’il ne soit trop tard et avant d’avoir à vous téléphoner pour venir identifier son cadavre à la morgue. Je ne voudrais pas vous regarder pleurer en vous blâmant de lui avoir laissé l’auto avant qu’il ne sache conduire prudemment.

Et vous voulez que mes agents ne vous donnent qu’un avertissement ? Ce que vous voulez en réalité, c’est que nous cessions de faire notre devoir et que nous vous laissions courir à votre rendez-vous avec la mort !

Maman…!

J’aimerais vous amener voir le cadavre calciné d’une victime lorsque le Service des incendies à réussi à éteindre un feu alimenté par 50 litres d’essence. J’aimerais que vous m’aidiez à apprendre au mari que sa femme ne rentrera pas parce qu’un imbécile l’a fait déraper en voulant la doubler. J’aimerais que vous lui aidiez à faire comprendre aux enfants pourquoi leur maman ne reviendra plus.

Vous êtes furieux parce qu’on vous a donné une contravention et que vous devez vous déranger pour vous présenter à la Cour ?

Vraiment, Monsieur, vous me fendez le coeur ! »

 

 

Vous en pensez quoi ?