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La Une
Pour Noël, j’ai décidé ne plus répéter dorénavant ce qui était pourtant devenu une tradition pour moi, soit aller porter des sacs de cadeaux à quelques itinérants choisis au hasard dans la rue. Depuis quelques années, avec quel plaisir je les remplissais de vin, fromage, biscottes, cigarettes et chocolat, coupons de restaurant, ces grands contenants aux couleurs vives, en me prenant pour la fée des Étoiles. Deux ou trois jours avant Noël, je me rendais au centre-ville, le cœur battant, dans ce quartier où les sans-abris foisonnent habituellement.
En général, je repérais facilement les sans-logis recherchés, reconnaissables non seulement à leurs vêtements dépenaillés mais surtout à cause de leur démarche, cette façon qu’ils ont de traîner la patte et d’errer tristement à travers la foule de passants à l’air préoccupé et aux bras remplis de paquets. Les itinérants, eux, vagabondent sur les trottoirs sans se dépêcher, le regard vide et sans but, sinon celui de remplir leur vieux baluchon de denrées encore utilisables trouvés d’une poubelle à l’autre.
L’an dernier, Dieu sait pourquoi, ils furent moins nombreux qu’à l’accoutumée. Sans doute, la pluie diluvienne de la veille et le froid subit du lendemain avaient rendu la chaussée trop glissante et les empêchaient de sortir. Je fus dans l’obligation de remettre ma distribution à plus tard et me retrouvai finalement seule avec mes cinq sacs, par un froid glacial, le matin de la veille de Noël.
J’eus beau scruter le quartier, seule à bord de ma voiture, j’eus peine à dénicher quelques itinérants. Petit à petit, je réussis tout de même à faire quatre heureux. À tout le moins, je m’imaginais les rendre heureux à ma manière.
C’est de loin que j’aperçus mon dernier récipiendaire. Je ne pouvais pas me tromper : petit et maigrelet, zigzaguant nonchalamment parmi les piétons, un sac à la main et les yeux vaguement perdus. L’homme portait une tuque des Andes enfoncée jusqu’aux oreilles et cachait le reste de son visage derrière un affreux foulard jaune entortillé autour de son cou. Je stationnai ma voiture en double file, mis mes clignotants et m’empressai de sortir le sac que je lui tendis à bout de bras.
– Bonjour, monsieur. La fée des Étoiles a préparé un sac de cadeau pour vous. Et… joyeux Noël !
– Vous croyez vraiment que j’en ai besoin ?
C’est à ce moment précis que je remarquai l’étiquette « Kanuk » brodée sur le revers de son col. Dieu du ciel ! Je venais de commettre l’erreur du siècle ! Aucun itinérant de la ville ne pourrait se payer ce genre de manteau très coûteux. Cet homme n’était pas un sans-abri !
– Excusez-moi, monsieur. Si vous ne voulez pas de mon sac, pourriez-vous l’offrir à quelqu’un de plus malchanceux que vous, s’il vous plaît ?
Si j’avais pu rentrer dans le trottoir, je l’aurais fait ! Prise de panique, je pivotai aussitôt, m’engouffrai dans ma voiture et disparus au coin de la rue en laissant mon bonhomme en plan, sans même lui donner le temps de me répondre. Ah ! ce que je pouvais me sentir mal ! Je voulais semer la joie et voilà que je venais peut-être d’insulter quelqu’un ou de le blesser dans son amour propre, sa fierté, son intégrité. Sur le chemin du retour, je lui demandai secrètement pardon, les larmes aux yeux, me jurant de ne plus jamais recommencer l’expérience des sacs à offrir aux sans-abris. Trop risqué de commettre à nouveau de telles erreurs !
Depuis cette aventure, un an s’est écoulée, et je n’ai toujours pas changé d’idée : finie la chasse aux itinérants ! Cette année, pour Noël, je ferai un don en argent à un organisme qui s’occupe officiellement des pauvres et des démunis. Des vrais ! Non, je ne referai plus de bêtise comme l’an passée.
Ce matin, cependant, le facteur m’a laissé un mystérieux paquet enveloppé dans du papier de Noël, Curieuse, je l’ai déballé d’une main fébrile pour découvrir un petit ange de bois peint en rouge, tenant dans ses bras un cœur d’or. Ah ? Étrange… Cette figurine me rappelait quelque chose, mais je n’arrivais pas à trouver quoi, Où donc ai-je déjà vu cet ange ? Et qui me l’a envoyé ? J’ai décacheté avec empressement l’enveloppe qui l’accompagnait et j’ai parcouru, bouche bée, l’écriture ronde et régulière que je ne connaissais pas.
Chère madame,
Vous ne serez pas fâchée, je l’espère, si l’an dernier, lorsque vous m’avez quitté si rapidement au coin de la rue, je n’ai pu m’empêcher de retenir mentalement le numéro d’immatriculation de votre voiture. J’ai réussi, grâce à quelques pots-de-vin, à obtenir le nom de la propriétaire de cette voiture. Je suppose donc qu’il s’agit bien de vous.
Je suis l’homme que vous avez maladroitement pris pour un sans-abri, la veille de Noël, l’année dernière. Bien sûr, en rentrant chez moi, dans ma belle tour d’ivoire, j’ai lancé rageusement votre sac de cadeaux sur mon divan. La carte que vous y aviez insérée a alors glissé par terre. Elle portait l’image de cet ange et, à l’intérieur, on pouvait lire ce court message que vous-même aviez sans doute tracé à la main :
« On n’est jamais seul quand on donne de l’amour, Cet ange veillera sur vous. »
J’ai retourné la carte cent fois entre mes mains. Un ange veillerait sur moi, hein ? Quelle farce ! Ma femme venait de me plaquer pour un autre homme, mes enfants qui vivent en région éloignée ne m’avaient pas invité pour les Fêtes, mes employés, trop contents de partir en congé, m’avaient souhaité « Joyeux Noël » avec une indifférence évidente. Et tous mes amis étaient partis. Il ne restait plus personne. Quand vous m’avez rencontré, madame, j’étais l’être le plus seul et le plus malheureux au monde. Je me sentais à ce point désœuvré que, pour un instant, j’ai même songé à aller me pendre. Mais j’ai plutôt erré comme une âme en peine sur les trottoirs avec mon Kanuk, mes bottes de cuir et mes poches bourrées d’argent. Vous avez vu juste : j’étais un véritable itinérant. Un sans-abri dans l’âme.
Au moment où j’ai découvert les produits de votre sac, j’ai bien compris que cela ferait le bonheur de quelqu’un d’autre, pas le mien. Je pouvais m’offrir mille fois ces petites douceurs. Toutefois, votre phrase me chicotait : « Quand on donne de l’amour, on n’est plus seul, » J’ai donc décidé de me rendre au gîte Dernier Recours, refuge officiel pour les sans-abris de la ville lors de journées trop froides. Là-bas, je trouverais sûrement un bonhomme plus démuni que moi.
J’en ai trouvé cent cinquante !!! pour la plupart, des types sympathiques et sans malice. Des blessés de la vie, quoi ! Comme moi, ils avaient manqué le bateau. Pas le même que le mien, mais eux aussi étaient restés seuls au quai. Seuls, mal-aimés, abandonnés, rejetés, sans espoir. Je me suis mis à jaser avec l’un puis avec l’autre. Ça parlait, ça s’ouvrait le cœur, ça riait fort, mais ça pleurait aussi. Jamais je ne me serais imaginé faire de l’écoute dans un tel endroit. Je n’ai jamais vu l’après-midi passer. Quand est venu le temps de partir, j’ai remis votre sac de cadeaux au plus misérable d’entre eux. À ma grande surprise, sa première idée a été de partager le contenu avec les autres. À peine s’il lui est resté une gorgée de vin et une cigarette. Je n’oublierai jamais son regard radieux quand il a posé sa main sur mon épaule en me demandant si j’allais revenir pour le réveillon de minuit.
– Viens avec nous. Tu vas voir, c’est toujours formidable. On manque de personnel pour servir le repas de Noël chaque année. Tu pourrais donner ton nom à la direction.
Je me suis moi-même étonné en m’inscrivant aussitôt. Le comité des bénévoles pouvait compter sur moi dès le début de la soirée. Une fois rentré à la maison, je n’en revenais pas de mon audace. Moi, au service des sans-abris, oh là là ! Qui l’eût cru ! Soudain, j’ai aperçu l’ange au cœur d’or de votre carte. Il trônait, immobile, sur mon bureau où j’avais installé la fameuse carte. Chaque fois que je passais devant lui, j’avais l’impression qu’il me faisait un clin d’œil. Ah ! Il m’avait bien manipulé, le coquin !
Je n’ai rien regretté de cette soirée. J’ai vécu, l’an dernier, le plus beau Noël de ma vie grâce à vous, chère madame, et je voulais sincèrement vous en remercier. Cette nuit-là, sans famille, sans amis, sans alcool, sans argent et sans gâteries, j’ai ri et chanté. Les accolades, les poignées de main et même les bisous n’ont pas manqué. Que d’amour, que de chaleur humaine ! J’ai compris que le cœur d’or de l’ange y était pour quelque chose.
Cette année, je vais enfin retrouver les miens pour les Fêtes et ne pourrai pas retourner au refuge. Mais soyez assurée, chère madame, qu’à votre exemple, je préparerai moi aussi des sacs de surprises pour les sans-abris et que j’irai les leur distribuer dans les rues du même quartier, la veille de Noël. Peut-être vous y reverrai-je !
Je vous envoie cet ange que j’ai sculpté pour vous en souvenir de notre curieuse rencontre. Méfiez-vous, cependant, car cet ange pourrait bien vous mener par le bout du nez ! Je lui ai demandé de vous rendre heureuse.
L’ami de l’ange au cœur d’or
Bouleversée, j’ai caressé l’ange du bout des doigts. En le déposant dans ma chambre, j’ai eu l’impression que le petit chenapan me faisait un clin d’œil à moi aussi. Qui sait si je n’irai pas au magasin, ces prochains jours, pour me procurer quelques grands sacs de Noël…
Note de l’auteure : La première partie de ce conte a réellement eu lieu, mais je ne saurai jamais si « L’ami de l’ange au cœur d’or » a vraiment remarqué la plaque de ma voiture.
Source : Contes de Noël pour les petits et les grands, de Micheline Duff, Éditions Québec Amérique 2012.
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