Un pan de notre histoire : La famille Vachon, 100 ans de petits gâteaux

La Une

Vachon souffle cette année ses 100 bougies. De la petite boulangerie de village devenue un conglomérat agroalimentaire considérable, Vachon est célèbre pour ses gâteaux tels que le Jos Louis et le Ah Caramel ! Lorsque l’entreprise dirigée par une famille beauceronne pendant près de cinquante ans a été mise en vente en 1970, les boucliers du nationalisme se sont levés pour empêcher qu’elle ne se retrouve entre des mains américaines.

L’entreprise connaît des débuts modestes. En 1923, le Québec est alors en plein exode rural. Les jeunes quittent les terres agricoles des régions pour trouver de l’emploi dans les usines des villes, certains s’exilent jusqu’aux États-Unis.

Rêvant de voir ses fils aînés revenir au bercail une mère, Rose-Anna Vachon (née Giroux), exprime le souhait d’avoir un commerce qui lui permettrait d’offris à sa descendance des emplois décents.

Pour elle et son époux Joseph-Arcane Vachon, l’occasion se présente lorsque la petite boulangerie Leblond, située à Sainte-Marie-de-Beauce, est mis en vente. Le couple parvient à l’acquérir pour la somme de 7000 $. C’est ainsi que naît la boulangerie J.A. Vachon.

LA MAIN À LA PÂTE

Bien que la vente de pain soit la principale source de revenus de la pâtisserie, Rose-Anna décide de confectionner des tartes, des beignes et des croquignoles : vendues de porte en porte, ces petites gourmandises remportent un vif succès, à tel point que les fils Vachon reviennent l’un après l’autre pour prêter main forte.

Le plus âgé, Louis, revient en 1924 afin d’épauler son père dans la vente de pain. C’est lors de l’une de ses tournées qu’il croise un vendeur de gâteaux itinérant venant de Montréal : la concurrence, même venue de la métropole, est déjà très forte ! Le jeune homme décide alors de faire une petite expérience. Pour la somme de 15 $ il achète des gâteaux afin de les revendre à ses propres clientes pendant sa tournée de pain. La légende locale raconte qu’il aurait manqué de gâteaux avant de manquer de pain.

Louis Vachon propose alors à ses parents de commencer à fabriquer des gâteaux. En juillet 1927, débute de façon officielle la production de gâteaux dans l’entreprise des Vachon. La boulangerie change de nom pour devenir J.A. Vachon & Fils, boulangers et pâtissiers.

UNE FEMME D’AFFAIRES

 Il est clair pour tout le monde que le véritable patron de l’entreprise est Rose-Anna. Dans ce couple, le mari peu scolarisé met sa force de travail et sa ténacité à profit, tandis que l’épouse est la « tête ».

Ayant étudié jusqu’en cinquième année, elle s’occupe de l’administration et tient les comptes. Elle gère les relations avec les fournisseurs, supervise la production et engage les premiers employés. On peut assurément la considérer comme l’une des premières femmes d’affaires du Québec moderne.

Sa fille Simone démontre également beaucoup de capacité. Impliquée dans l’entreprise pratiquement depuis sa fondation, la jeune femme se voit confier le 1931 la direction du personnel féminin préposé à l’emballage des gâteaux. Elle est décrite comme une personne perspicace et dotée d’un grand tact !

UN PRODUIT PHARE POUR SE DÉMARQUER

Marquées par la crise économique et la grande dépression, les années 1930 sont difficiles pour tout le monde, incluant les Vachon. En 1932, Paul Vachon conçoit le produit qui deviendra rapidement l’emblème de l’entreprise. Entre deux disques de gâteaux au chocolat (découpés au moyen d’un couvercle de boîte métallique), il étale une couche de crème pâtissière. Cette création chocolatée est finalement nommée « Jos Louis », évoquant deux des frères Vachon, Joseph et Louis.

Bientôt, les produits Vachon franchissent les limites de la Beauce pour s’attaquer aux autres régions et se retrouvent à Québec, Sherbrooke, Rivière-du-Loup et Matane, puis conquièrent éventuellement le marché de Montréal, du Saguenay-Lac St-Jean et même de l’Abitibi.

Malgré l’embauche d’employés supplémentaires, la boulangerie familiale parvient de moins en moins à soutenir la cadence de la production. Joseph, qui a travaillé sur les chaînes de montage de voiture aux États-Unis, propose à sa famille le même principe avec les gâteaux, c’est-à-dire d’utiliser le travail en série en créant une chaîne de montage appropriée. Son idée est d’abord reçue avec scepticisme : après tout, on ne fait pas des gâteaux comme on fait des voitures !

Joseph parvient à rallier sa famille. En 1936, Vachon acquiert une ancienne manufacture de chaussures qui sera entièrement rénovée pour s’adapter aux besoins d’une pâtisserie et quitte officiellement l’annexe de la maison familiale au printemps 1937.

RATIONNEMENT ET APPROVISIONNEMENT

La Seconde Guerre mondiale a un impact majeur sur l’approvisionnement en ressources, pour tout le monde et les entreprises. Vachon requiert une grande quantité de matières premières pour fonctionner.

Comment adapter la fabrication de gâteaux à cette nouvelle réalité, notamment au rationnement du sucre ? La famille Vachon va déployer des trésors d’inventivité et, au besoin, contourner un peu les lois en vigueur. Des sacs de sucre dissimulés dans les chalets non loin de Ste-Marie permettent d’assurer l’approvisionnement de la manufacture. Même s’ils passent bien près de se faire prendre à quelques reprises, le jeu en vaut la chandelle.

Durant la guerre, le chiffre d’affaires de Vachon va passer de 130 000 $ à 500 000 $ dont environ le tiers est dû aux commandes effectuées par l’armée canadienne ! Comment la pâtisserie Vachon a-t-elle réussi à percer ce marché lucratif ? Grâce à la hardiesse de son vendeur en poste à Québec, l’entreprise beauceronne se retrouve à fournir des gâteaux aux soldats.

Un jour que de jeunes recrues de l’armée canadienne prennent d’assaut son étal de petits gâteaux, le vendeur a l’idée de leur offrir gratuitement des gourmandises sucrées. Il prend soin de téléphoner à son patron Paul Vachon pour avoir l’autorisation. Ce dernier aurait dit : « Donne-leur en deux chacun et envoie-moi la facture. »

La tactique s’avère payante puisqu’au cours des semaines suivantes, les commandes de l’armée canadienne commencèrent à arriver par télégramme, puis continuèrent pendant plusieurs années.

Après la guerre, Vachon passe aux mains des fils les plus impliqués de Joseph-Arcade et Rose-Anna : Joseph, Paul, Amédée et benoît. C’est sous la direction des quatre frères et grâce au leadership de Joseph que l’entreprise va atteindre de nouveaux sommets.

On revampe le logo, on fait construire une nouvelle usine et on élabore la toute première campagne de publicité à grande échelle de l’histoire de l’entreprise.

DES PETITS GÂTEAUX JUSQU’À LA LUNE

« En 67, tout était beau ! C’était l’année de l’amour, c’était l’année de l’Expo » chantait Beau Dommage. Cette année-là, Montréal reçoit le monde entier pour l’Exposition universelle. Le Québec accueille des dizaines de milliers de visiteurs tout en s’ouvrant sur le monde.

Pour Vachon, il s’agit d’une chance inespérée de faire connaître ses produits au monde entier et de s’attirer une nouvelle clientèle : pas question de laisser passer cette occasion ! Un kiosque Vachon est aménagé sur le site de l’Expo, permettant aux visiteurs de découvrir ces produits chouchous des Québécois.

VENDRE ? NON !

L’année 1970 est une année charnière pour les Vachon. Les deux seuls frères survivants, sans héritier intéressé ou suffisamment préparé à prendre la relève, décident de vendre l’entreprise. L’offre de Beatrice Food, une multinationale basée aux États-Unis, vient en tête de liste. Or, l’idée même de voir ce fleuron beauceron passer à des intérêts américains est inconcevable aux yeux de nombreuses personnes, y compris en haut lieu. L’affaire devient politique.

Appuyé par son ministre des Finances, le premier ministre Jean-Jacques Bertrand fait pression sur le Mouvement des caisses Desjardins afin qu’il se porte acquéreur de l’entreprise, qui en devient le propriétaire principal pour la somme de 14 millions $. Cette transaction, célébrée par les milieux d’affaires, est une victoire financière, morale et identitaire pour le Québec.

Dans les années suivantes, on crée le groupe alimentaire Vachon, qui sera renommé Culinar en 1977. Desjardins demeure propriétaire de l’entreprise jusqu’en 1999 : c’est Saputo, autre entreprise québécoise, qui l’achète pour finalement la revendre en 2014 à Canada Bread, une division de la multinationale mexicaine Grupo Bimbo, pour 120 millions $.

UN PATRIMOINE BIEN QUÉBÉCOIS

Si Vachon n’appartient plus à des intérêts québécois, elle a eu un fort impact sur la culture et le patrimoine québécois. Au plan local, les traces de cette histoire sont encore bien présentes. L’usine de Sainte-Marie-de-Beauce existe toujours, l’artère commerciale principale de la ville se nomme le boulevard Vachon et l’école secondaire porte le nom de Polyvalente Benoît-Vachon. Il existe un musée relatant l’histoire de l’entreprise : la Maison J.A. Vachon se trouve sur l’avenue Rose-Anna Giroux. Postes Canada a aussi émis un timbre à l’effigie de la fondatrice de Vachon.

Source : Texte préparé par Dave Corriveau, le Journal de Montréal, cahier Weekend, 29 avril 2023, p75


123e jour de l’année

Mercredi, 3 mai 2023

On célèbre aujourd’hui…

LA JOURNÉE MONDIALE DE LA LIBERTÉ DE PRESSE


À la douce mémoire de…

DALIDA 1933-1987 – Chanteuse italienne de réputation internationale.


On jase là…

L’histoire se répète avec l’élimination des Bruins de Boston. Le fait de briser des records pour une saison exceptionnelle comme ils l’ont fait, n’est pas un gage de performance pour gagner la coupe Stanley. Ils ne sont pas les premiers à le vivre mais ça prouve que la vraie saison demeure les séries éliminatoires.


Pensée et citation du jour

C’est toujours lorsqu’on n’a pas le temps qu’il faudrait faire une pause.

Sydney Harris


Ça s’est passé un 3 mai…

(1963) À Saint-Jean sur Richelieu, une bombe éclate devant la Légion canadienne. Le Front de Libération du Québec (FLQ) revendique l’attentat.

(1979) Les Conservateurs remportent les élections législatives en Grande-Bretagne et pour la première fois une femme devient Premier ministre de sa Majesté. Margaret Thatcher mènera une politique de libéralisation avec une détermination inflexible, ce qui lui vaudra le surnom de « dame de fer ». Cette politique, qui rendra une certaine prospérité à la moyenne bourgeoisie, accentuera les inégalités sociales. À la suite de luttes internes au sein du parti conservateur, Margaret Thatcher démissionnera en novembre 1990.

(1995) Une page d’histoire de l’humour québécois est tournée : prenant tout le monde par surprise, Rock et Belles Oreilles annonce son démembrement après 14 ans d’association. Richard Z. Sirois, Bruno E. Landry, Guy A. Lepage, Yves P. Pelletier et André G. Ducharme se sont rencontrés en 1980 au module de Communications de l’UQÀM ; Rock et Belles Oreilles a vu le jour le 15 mai 1981 à la radio communautaire. Au cours des ans, RBO a collectionné 12 Félix et 10 Gémeaux. Sirois a quitté le groupe en 1987, et Chantal Francke s’y est intégrée l’année suivante pour y rester jusqu’en 1993.


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Un commentaire sur “Un pan de notre histoire : La famille Vachon, 100 ans de petits gâteaux

  1. Merci pour cet historique concernant les gâteaux Vachon que je ne connaissais pas. Je suis un adepte des gâteaux Vachon. J’en ai toujours en inventaire, lequel se renouvelle à chaque semaine.
    Jos Louis, May West, Ah Caramel et Flaikie !!!!

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