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CBD : NOUVEAU REMÈDE MIRACLE ?
Petit cousin du THC, le cannabidiol s’impose comme la nouvelle star montante du bien-être. Des huiles essentielles aux gélules en passant par les boissons pétillantes, les bonbons gélifiés et la nourriture pour chiens, la variété de ses déclinaisons impressionne autant que ses promesses. Qu’en est-il réellement ?
Dans les moteurs de recherche, les trois lettres magiques (CBD) se hissent parmi les requêtes les plus populaires. Nouvel eldorado du bien-être, le marché du cannabidiol atteignait 2,8 milliards de dollars américains en 2020, avec une croissance annoncée de plus de 20 % par année jusqu’en 2028.
Martha Stewart, John Legend, Belle Thorne, Kourtney Kardashian et Mike Tyson figurant parmi ces entrepreneurs de l’extrait vedette
Le cannabidiol est une substance produite par la plante du cannabis, son deuxième ingrédient actif en importance après le THC.
Avec lui, oubliez les yeux rouges et le buzz euphorisant. Le CBD ne provoque pas d’effets psychotropes. Certains de ses disciples comparent même son action à un bain chaud ou une séance de yoga, mais les bienfaits allégués vont plus loin.
TROIS LETTRES, MILLE PROMESSES
Marily, 34 ans, a d’abord essayé le CBD pour soulager ses symptômes prémenstruels : « J’en prends sous forme d’huile, avec un vaporisateur oral, quelques jours avant que mes règles débutent. Les premières fois, j’ai rapidement vu un effet positif sur mon humeur et mon niveau de stress, alors j’ai décidé d’en consommer aussi lorsque je me sens anxieuse.
Par la suite, j’ai lu sur le Web que plusieurs utilisent le CBD lorsqu’ils ont des douleurs physiques. J’ai tenté le coup pour venir à bout des courbatures causées par le sport. Encore une fois, c’est très efficace pour moi ! »
Anxiolytique, anti-inflammatoire, analgésique, antiâge… Le CBD se présente comme un allié naturel pour soulager bon nombre de maux et inconforts.
L’insomnie hante nos nuits ? Et hop, quelques gouttes sous la langue. On souffre de rosacée, d’eczéma ? On a des rougeurs, des boutons ou simplement un teint blafard spécial confinement ? Par ici, les crèmes topiques et les sérums pour la peau. Il existe même des lubrifiants infusés au CBD pour booster la libido et décupler les plaisirs sous la couette. Peu importe le souci, le CBD vient à notre rescousse. Panacée ou mirage marketing ?
ALLIÉ DES ANXIEUX… ET DES SPORTIFS !
Sur le marché canadien, le CBD est souvent prisé pour son effet relaxant. Selon ses adeptes, il permettrait de calmer l’anxiété et de mieux dormir, sans les effets euphorisants ou intoxicants du THC.
Dominique, 36 ans, décuple les bienfaits de sa pratique de yoga avec le CBD : « Je suis naturellement anxieuse, et les derniers mois ont exacerbé le problème. Je ne voulais pas emprunter la voie de la médication, mais je cherchais tout de même une solution pour relâcher la pression. Je prends de l’huile de CBD avant mes séances de yoga, deux fois par semaine. Je ne dirais pas que tout est réglé – ce n’est pas un produit miracle –, mais je ressens un véritable effet de détente. En prime, une vieille douleur à l’épaule, que je traîne depuis des années, me semble beaucoup moins marquée. »
Professionnels ou amateurs, les sportifs vénèrent le coup de pouce du CBD. Fini les courbatures et les muscles endoloris ! Il suffit d’une recherche dans les médias sociaux pour voir les joggeurs, cyclistes et athlètes de tout acabit prendre la pause avec leur inséparable flacon. En 2019, la Fédération de triathlon des États-Unis devenait même le premier organe d’un sport olympique commandité par un producteur de CBD. Un message fort pour cette molécule retirée de la liste des substances interdites de l’Agence mondiale antidopage en 2018.
50 NUANCES DE VERT
Le Dr Didier Jutras-Aswad étudie le CBD au Centre de recherche du CHUM. Bien que certains indices alimentent les espoirs de la communauté scientifique, le médecin et chercheur se montre prudent : « À l’heure actuelle, il existe peu de données probantes sur les bienfaits du CBD. On est encore au début de l’aventure scientifique.
Oui, certaines études sur les animaux montrent que le cannabidiol contribuerait à soulager la douleur, l’anxiété et la dépression. Et chez les humains ? Impossible de tirer une conclusion claire. Idem pour la libido, les troubles alimentaires, les symptômes liés au SPM ou à la ménopause… En attendant que des études solides dégagent un verdict, les avis sont partagés.
Une certitude : plus le CBD a le vent dans les voiles, plus le besoin de données devient criant. La patience sera toutefois de mise. Les recherches portant sur le cannabidiol ne sont pas simples, même depuis la légalisation du cannabis :
« Il est plus facile pour un consommateur de se rendre à la SQDC pour acheter n’importe quel produit et le consommer chez lui, sans surveillance, que pour moi, comme chercheur, d’administrer la substance dans un cadre rigoureux et contrôlé », explique le Dr Jutras-Aswad, professeur agrégé è l’Université de Montréal.
Les nombreux modèles d’administration ajoutent à la complexité : on peut inhaler, ingérer, appliquer en crème topique… Quel est le meilleur format ? Pour quel problème médical est-il indiqué ? Et dans quel dosage ?
Même quand les résultats expérimentaux semblent prometteurs, il serait hasardeux de les transposer directement à la vie quotidienne. La concentration utilisée en laboratoire est largement supérieure au dosage des produits vendus : « Les études misent sur un CBD purifié allant jusqu’à 800 mg/ml, explique le Dr Jutras-Aswad. En comparaison, les produits du marché ont plutôt 10 ou 20 mg/ml. »
TROP BEAU POUR ÊTRE VRAI ?
Une bonne nouvelle : si l’OMS ne recommande pas encore l’usage du cannabidiol à des fins médicales, il certifie toutefois que la substance ne présente aucun risque pour la santé ni potentiel d’abus ou de dépendance. « Même à fort dosage, le CBD est très bien toléré, ce qui explique l’intérêt scientifique pour la molécule, confirme le Dr Jutras-Aswad. Les effets secondaires sont bénins, le plus commun étant la diarrhée, parfois la sédation. »
Le véritable danger se cacherait plutôt dans certaines allégations exagérées, voire carrément frauduleuses. Des vendeurs de rêves se faufilent habilement dans cette brèche qui sépare les espoirs potentiels et les zones d’ombre qu’il reste à élucider. Consommer du CBD pour soulager son stress, apaiser ses douleurs ou améliorer la qualité de son sommeil, c’est une chose. Interrompre ses traitements pour une maladie grave ou un cancer, c’est une tout autre histoire.
LES BONS RÉFLEXES
Si on a un symptôme ou un ennui de santé pour lequel on envisage le CBD, on consulte d’abord un professionnel de la santé. Il pourra s’assurer que le problème a été bien cerné, et il évaluera avec nous les différentes options. « On a un bon système au Canada qui nous donne accès à des produits pharmaceutiques de qualité », assure le Dr Didier Jutras-Aswad.
« J’ai toujours fumé du THC pour mon anxiété et ma concentration, témoigne Simon, atteint d’un TDAH. Un jour, l’arthrite s’est mise de la partie, au point de m’empêcher de fermer et d’ouvrir les mains. J’ai utilisé des crèmes et des huiles de CBD faites par une amie. Elles ont super bien fonctionné !
J’en ai parlé à mon médecin. Elle était réticente au départ, mais on a conclu une entente. J’ai suivi son protocole de médicaments, puis on a réévalué la situation. Son traitement ne marchait pas vraiment mieux que le cannabis pour mon arthrite, tout en étant plus coûteux. Elle a bien vu les effets (des crèmes et des huiles), et elle m’a donné mon ordonnance. Je crois même qu’elle en prescrit à d’autres patients maintenant. »
On veut essayer le CBD à des fins non médicales ? On s’approvisionne dans des points de vente réglementés, soit la SQDC au Québec. On aura ainsi des produits de meilleure qualité et on saura exactement ce qu’on achète et dans quelle concentration on le fait. Comme pour tout nouveau produit, on commence avec la plus petite dose.
Les espoirs et les essais sont permis, mais dans l’attente de données scientifiques qui confirment les bienfaits réels au-delà des rumeurs, mieux vaut user de prudence. D’autres études seront nécessaires pour continuer à départager les situations dans lesquelles le CBD peut être utile ou pas.
POUDRE, BONBONS ET COMPAGNIE
Consommé sous forme de gélule, d’huile, de poudre ou même de cocktail, le cannabidiol se présente aussi avec différents degrés de concentration. Il peut être ingéré, inhalé, ou absorbé par la peau. Pour démocratiser le CBD et recruter de nouveaux clients encore réfractaires, les fabricants et entreprises rivalisent d’ingéniosité.
Quelques exemples :
– Vendus dans les magasins de nutrition américains, les bonbons gélifiés de Martha Stewart s’inspirent des confiseries françaises aux arômes raffinés. Airelle, fruits de la passion, kumquat, calamondin… Faites vos choix !
– L’arsenal de Martha Stewart comprend également une gamme de produits CBD pour chiens. Biscuits au bacon fumé et CBD, huile aromatisée au poulet et CBD… Tout est mis en œuvre pour réduire le stress de notre fidèle compagnon.
– À Los Angeles, le spa du Ritz Carlton offre des massages spécial CBD (250 $ les 50 minutes). On nous propose quelques gouttes de la substance sous la langue en début de traitement, une exfoliation du corps avec une huile infusée au CBD et même un timbre transdermique au CBD pour la maison, afin d’éviter les courbatures postmassages. Pour les budgets plus modestes, on offre également la pédicure CBD (120 $ les 50 minutes).
– Calyx, une compagnie canadienne, vend des bombes de bain contenant 100 mg d’extrait de CBD. Tantôt revigorantes lorsque mariées à la menthe poivrée, tantôt apaisante avec l’huile de lavande, ces bombes nous promettent de propulser au niveau supérieur le traditionnel bain relaxant (16,99 $).
LE VRAI DU FAUX
LE CBD…
… est efficace contre les convulsions épileptiques.
Vrai. Administré sous forme orale, le CBD peut diminuer les crises de convulsions dans certaines formes d’épilepsie, souvent chez les enfants pour qui les autres traitements ne sont pas efficaces. Il s’agit de sa propriété la mieux étudiée.
… est un anti-douleur.
Ça augure bien. Selon une étude publiée par l’Université McGill, le cannabidiol pourrait soulager la douleur chronique de façon sécuritaire. Une option au THC ? Peut-être, mais les données restent limitées. D’autres recherches seront nécessaires.
… est un anti-inflammatoire.
Peut-être. Même si le CBD semble posséder certaines propriétés anti-inflammatoires intéressantes, on ne dispose pas encore de preuves scientifiques pour l’affirmer avec certitude.
… est un anxiolytique naturel.
C’est possible. Son efficacité a été prouvée sur les animaux. Chez les humains, quelques études ont montré que le CBD pouvait réduire l’anxiété, mais elles comportaient peu de participants. On est encore loin de la quantité de données qui existent pour les autres traitements de l’anxiété.
… est un ingrédient de choix pour les soins de la peau.
On ne le sait pas exactement. Des études cliniques sur des cellules humaines suggèrent que le CBD pourrait avoir un effet anti-inflammatoire intéressant dans le cas cde certains soucis dermatologiques, comme l’acné. Même si le CBD est peu susceptible d’être nocif pour notre peau, la plupart des dermatologues s’entendent pour dire qu’il existe d’autres traitements, efficaces et plus sûrs, à l’heure actuelle.
… aide à prévenir les troubles de toxicomanie.
Ça dépend. Il semble que le CBD est utile pour traiter les dépendances aux opioïdes ou au cannabis, mais les données restent préliminaires. On sait toutefois qu’il ne permet pas de traiter efficacement la dépendance à la cocaïne.
… sert de bouclier protecteur contre les effets délétères du THC.
Plutôt faux. Selon le Dr Didier Jutras-Aswad, il s’agit d’une surinterprétation des données scientifiques existantes. Dans certains cas, oui, mais dans d’autres, non. Tout dépend du dosage, du moment, de la voie d’administration… Plusieurs paramètres devront être analysés avant que l’on puisse faire une telle affirmation.
Source : Julie Champagne, revue Coup de Pouce, juin 2021, p44